D’origine silésienne, il fut le premier avant-centre de l’AS Monaco en première division, avant de devenir celui du Racing entre 1955 et 1957. Son existence pour le moins romanesque méritait bien une mise à l’honneur.

Heinrich Skiba voit le jour le 14 juillet 1927 à Beuthen, en Haute-Silésie, à l’époque territoire allemand. Région à forte activité industrielle, la Silésie fut âprement convoitée par l’Allemagne et la Pologne à l’issue de la Première Guerre mondiale. Un plébiscite fut ainsi organisé en 1921 – une disposition prévue par le fameux Traité de Versailles – afin que la population décide de son appartenance à l’un ou l’autre des deux pays. La ville de Beuthen devint alors frontalière, tout comme celle de Hindenburg, tandis que la cité voisine de Königshütte fut la porte d’entrée de la Pologne. Ces trois agglomérations portent de nos jours les dénominations de Bytom, Zabrze et Chorzow, les amateurs de géographie du football apprécieront.

Le jeune Heinrich – prénom indiscutablement germanique, mais il semblerait que notre homme fût d’extraction polonaise – frappe ses premiers ballons pour le club local, avant d’être emporté par la tourmente de la Seconde Guerre mondiale à même pas 18 ans. Il porte l’uniforme bleu de la fière Kriegsmarine, laquelle n’a plus vraiment le temps de jouer à la bataille navale en haute mer au moment où l’Armée rouge galope vers Berlin. Le gigantesque reflux de début 1945 voit militaires et civils fuir l’avancée des troupes soviétiques dans l’affolement, une débandade générale à laquelle n’échappe pas le soldat Skiba. On retrouve sa trace dans la bourgade bavaroise de Deggendorf, où il rechausse les crampons dès son élargissement, au poste d’attaquant de pointe.

Après quelques saisons à partager son temps entre son emploi de réparateur de machines de bureau et les matchs avec le SpVgg Deggendorf, Skiba tape dans l’œil du grand club local, le 1. FC Nürnberg. Il ne s’y imposera pas, ce qui le poussera à prendre à nouveau son baluchon vers l’ouest du continent. Il atterrit en 1950 au FC Nancy. Nous sommes cinq ans après la fin du second conflit mondial et les footballeurs allemands ne sont plus personae non gratae dans l’Hexagone. 

L’avant-centre ne retrouve pas confiance en Lorraine et rejoint le RC Besançon au bout de quelques mois. C’est là-bas qu’il se crée petit à petit un nom (Henri Skiba) et une réputation : celle d’un joueur dur au mal, pas forcément le plus doué techniquement mais au tempérament de battant. La presse évoque avec moult clichés ce « type dur, solide, qui a connu durant la guerre le fracas des armes et de la marche forcée » (!).

Sa réussite bisontine (35 buts en deux saisons de seconde division) fait de Skiba un joueur convoité à l’été 1953. Il rejoint l’AS Monaco, club fraîchement promu et marque même pour la première historique en D1 à Louis-II (défaite 2-3 contre Toulouse). Après une première année satisfaisante – 14 buts en championnat – il connaît une seconde saison sur le Rocher plus délicate, ne disputant que 21 rencontres de D1.

C’est le moment pour Skiba, qui a décidément la bougeotte, de changer d’air et de rejoindre l’Alsace, où il s’était fait remarquer au cours de ses exploits franc-comtois. Assez inexplicablement, le RCS choisit en 1955 de tourner le dos à trois saisons réussies et de changer d’entraîneur : Heisserer remplace Pepi Humpal, des cadres comme Sesia et Carlier ne sont pas retenus. Les résultats s’en ressentent et le Racing arrache péniblement une 14ème place sur 18. Henri Skiba atteint sa dizaine de buts habituelle, notamment grâce à un quadruplé à Toulouse (4-4). La saison suivante sera encore plus rude pour Strasbourg, car ponctuée d’événements mal anticipés : la vente de Raymond Kaelbel à…l’AS Monaco répondit à des impératifs financiers ; la guerre d’Algérie priva le RCS de trois éléments talentueux, Jean Wendling, Raymond Barthelmebs et Lucien Muller ; de surcroît, le recrutement fut jugé peu concluant. 

Skiba fera son travail et servira encore « d’actif » à l’intersaison suivante, puisque le Racing put récupérer le Nîmois Fritz Kominek en échange. Dans le Gard, il disputera ses meilleures saisons, allant jusqu’à atteindre le Graal : l’Equipe de France.
Le Silésien de naissance s’épanouit aux côtés du Marocain Hassan Akesbi et du Blidéen Bernard Rahis : il marque 15 buts, puis 19 et enfin 13. Le Nîmes Olympique se fait damer le pion par le Stade de Reims en finale de la Coupe de France 1958, après avoir déjà dû se contenter de la place de dauphin en championnat. Deux nouvelles places de vice-champion suivront. Ces réussites ainsi que sa naturalisation française par mariage font d’Henri Skiba un remplaçant crédible à Just Fontaine pour le match amical France-Belgique du 1er mars 1959. Alors que fâcheries ou blessures ont poussé les héros de Suède à tirer leur révérence, il réapparaîtra deux ans plus tard pour deux sélections, dont le match de barrage qualificatif pour la Coupe du monde 1962 perdu à Milan contre la Bulgarie (0-1).

 

Henri Skiba poursuivra son parcours de baroudeur à Sochaux et au Stade Français, le temps d’inscrire presque à son corps défendant un but anéantissant les espoirs de titre nîmois à la dernière journée du championnat 1961-62. A près de 36 ans, après 109 buts en quelque 300 matchs de première division, il se retire dans ces collines jurassiennes qu’il semble chérir, cette fois du côté helvétique à la Chaux-de-Fonds. Devenu entraîneur-joueur, Skiba mène le petit club neuchâtelois au titre de champion de Suisse en 1964, puis se paye l’AS Saint-Etienne en Coupe d’Europe des Clubs champions à l’automne suivant avant de céder avec les honneurs face au grand Benfica.

Sa carrière d’entraîneur l’amènera à fréquenter d’autres bancs suisses avant qu’Henri Skiba ne s’établisse dans l’Ouest de la France, une première fois à Angoulême, puis à Limoges, deux clubs de deuxième division. 
C’est d’ailleurs dans cette région qu’il s’est enraciné, se reconvertissant dans l’élevage de truites à Moissannes. Une paisible activité bien éloignée de l’ardeur du bassin houiller de Haute-Silésie où Heinrich Skiba naquit il y a 90 ans.

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Stanislas Golinski
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Stanilas Golinski quand il avait 80 ans, toujours fidèle à Nîmes
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