HASSAN AKESBI, L’HISTORIQUE BUTEUR
Le 26 juillet 1955 le Midi Libre dévoile la photo de cinq joueurs nord-africains qui rejoignent le Nîmes Olympique pour être mis à l’essai. Il y a là Moreno de Blida, Hamou du Marsa d’Oran, Dejelloul du S.U.S de Rabat et Ben Aïssa de Stade Marocain. Ils sont tous attaquants. Le cinquième est un jeune de 20 ans né à Tanger qui arrive en provenance de FUS Rabat et qui joue au poste d’inter (milieu offensif) : Hassan Akesbi.
Il n’est pas inconnu des fidèles de Jean Bouin, puisque le 26 mai Pibarot, qui sera nommé entraineur de l’équipe de France la semaine suivante, le convoque sur les conseils de Firoud pour un essai face au grand Austria de Vienne avec sa cohorte d’internationaux : Ocwirk, Stota, Schleger, Huber, Schweda. Les Nîmois et Viennois se quittent sur le score de parité 2-2.
La rentrée d’Akesbi est commentée par Henri Vandeur dans le Midi Libre comme suit : « l’un des attraits du match résidait dans la production de l’éventuelle recrue nîmoise essayée à cet effet. Akesbi, c’est son nom, qui vient de Rabat, a fait une partie d’autant plus méritoire qu’il débutait dans un niveau relevé. Footballeur subtil et très actif à la fois, il s’illustra par sa finesse de touche et ses déviations, tout en parvenant à s’incorporer parfaitement dans les relais offensifs effectués par ses partenaires. Malgré une baisse de régime en fin de partie, il est un joueur à retenir ».
Nîmes, orpheline déjà de Rouvière, Firoud, Ujlaki, Timmermans et bientôt de Constantino (en partance pour Marseille), termine une saison 1954 poussive. Malgré les 17 buts inscrits par Ginés Liron et les bonnes performances de Rahis, il manque un joueur qui fasse la différence devant.
Le 1er août, pour le compte de la coupe du souvenir, les Nimois affrontent l’AS Biterroise (7-1), parmi eux se trouvent les cinq nord Africains mis à l’essai. Midi Libre dans son compte rendu relate : « dans ce festival offensif et malgré une entrée en cours de jeu (à la place de Schwager), cet Akesbi possède d’énormes qualités qui peuvent faire de lui un titulaire possible ». Le 5 août, Nimes rencontre l’OM au Vélodrome. C’est l’occasion pour Firoud de faire ses choix. Ben Haïssa, Djelloul, Hamou et Moreno ne sont pas conservés et seul Akesbi confirme. « L’ex inter de Rabat réalisa de très bonnes choses et se confirma comme très bon technicien. Aussi bien par son style, sa manière de jouer et son intelligence de jeu, il rappelle Constantino, une classe en moins bien sur. Mais il est très combattif et ne devrait pas tarder à s’imposer », relate le Midi Libre.
Firoud, nommé officiellement entraineur le 17 juin, le fait signer.
« J’avais à peine 19 ans quand j’ai commencé à recevoir des propositions des clubs espagnols et français, mais j’ai fini par choisir le Nimes Olympique. Je n’oublierai jamais mon club des Fussistes qui m’a laissé partir sans la moindre indemnité de transfert, ni aucune contrepartie financière. J’ai signé à Nimes pour un salaire de 6500 FF assorti d’une prime à la signature de 5000 FF » raconte le joueur.
Le 18 septembre Nimes se déplace à Nancy pour le compte de la cinquième journée du championnat. Akesbi est appelé pour la première fois à disputer une partie du championnat. Profitant des forfaits de Liron, Schwager et l’incertitude de Kominek malade, Akesbi se démène comme un beau diable dans une attaque qui manque de liant (défaite 3-1). Le 3 octobre les nimois rencontrent leurs homologues niçois qui comptent dans leur rang un certain Joseph Uljaki. Les nimois nullement impressionnés par le leader du championnat font jeu égal avec les azuréens sur le score de 1 à 1. A la quarantième minute, sur un corner, Akesbi saute plus haut que la défense niçoise et trompe Colonna. C’est le premier but du marocain, qui en inscrira 118 de plus tout au long de ses six années passées à Nimes (204 matchs). Le journaliste de Midi Libre est enthousiaste : « Cet Akesbi se démarque, feinte, dribble, shoote, a le sens du jeu et marque. On tient là un très bon joueur ! »
Ce « très bon joueur » va faire les belles heures du Nimes Olympique. Son entente avec Rahis et surtout Skiba puis Constantino reste encore dans les mémoires des Nimois et il n’est pas étranger aux bonnes prestations de l’équipe. Double finaliste de la coupe de France (1958, 1961), 3 fois vice champion de France, vainqueur de la coupe Drago, étoile d’argent en 1959, classé dans les meilleurs buteurs du championnat en 1955, 1960, 1961. Il devient une vedette du championnat, en conservant une simplicité et une gentillesse reconnus par tous.
Alain Garnier, qui a joué avec lui, raconte : « Hassan était un homme simple, un homme qui participait gaiement à la bonne entente du groupe. Il n’avait qu’un défaut : il ne jouait pas aux cartes. Avec le ballon il était d’une vivacité redoutable doublée d’une finesse éclatante. Son entente avec Skiba était redoutable. On loue souvent Rahis, mais il fallait que Bernard soit dans un bon jour pour mettre de bon ballon. Hassan, lui, était un avant centre de recul et un excellent finisseur. Avant son transfert, il était devenu une vedette et les médias se l’arrachaient, son statut a véritablement changé à ce moment peut-être… »
Raymond Legrand, grand témoin du sport nimois, se souvient : « cet Akesbi était un homme d’une gentillesse sans faille. Le joueur était rusé avec un sens du but indéniable. Il ne fallait pas attendre de lui un but au delà des 18 mètres car il avait une frappe peu puissante. Par contre dans la surface, il ne fallait rien laisser trainer. Le journaliste Roger Chabaud de France Football avait trouvé la formule du « Skibakesbi » pour qualifier l’entente parfaite des deux joueurs. Ils se trouvaient les yeux fermés et leur « une-deux » étaient redoutables. Un jour de retour d’un match, Akesbi, qui ne disait jamais rien, a fait un reproche à Skiba car il avait manqué un but. Les deux hommes en vinrent presque aux mains, ils se fâchèrent et leurs performances s’en ressentirent sur le terrain. Ce fut le début de la fin ».
Après six saisons passées au Nimes Olympique et méritant mieux que ce qui lui était offert par le club, Hassan Akesbi s’était apprêté à partir. Le 18 juin 1961, Midi Libre confirme le départ du prodige marocain. Plusieurs pistes sont possibles. Le Racing tient longtemps la corde et invite Akesbi à participer à deux matchs amicaux (dont un contre le Santos de Pelé au Vélodrome de Marseille). Les négociations échouent. Toulouse se met sur les rangs mais là aussi rien n’aboutit. Entre temps et après avoir marqué son 119ème but en championnat contre Nancy le 1er juin, Akesbi fait ses adieux à Jean Bouin pour partir vers le grand Milan AC des Maldini, Trapatoni, Altafini, Liedolhm (Victoire nimoise 2-0).
Le 27 juillet, alors qu’Hassan Akesbi est en vacances au Grau du Roi, le Nimes Olympique boucle son transfert avec Reims pour une somme record à l’époque de 55 millions d’anciens francs (45 pour Nimes et 10 pour le joueur) et un salaire de 350.000 FF plus primes.
Akesbi déclare dans Midi Libre : «je suis heureux de partir pour un club prestigieux comme celui de Reims. Je quitte Nimes parce que ma carrière de joueur m’y oblige : une carrière de joueur est très courte, et à 26 ans il est normal de faire d’autres choix. Il y a six ans que je suis ici. Il y a dans le club et dans l’équipe une ambiance, une camaraderie que je ne retrouverai certainement pas ailleurs. Je laisse beaucoup d’amis ici… ».
Une page se tourne au Nimes Olympique, Akesbi sera sacré champion. Pour l’anecdote, Raymond Kopa dans l’histoire du football de Dietschy raconte : « à
l’époque nous ne célébrions pas nos buts comme ça se fait maintenant. Une tape amicale suffisait. Le premier qui en « rajouta » fut Hassan Akesbi, je pense qu’il fut pionnier en la matière
». RUE JEAN BOUIN - JEAN-CHARLES ROUX
Le 18-02-2016 à 11:33:21