Le directeur sportif du club gardois, Reda Hammache, a accepté de nous offrir sa vision du métier d’agent. Ses années en tant que recruteur, tour à tour à Rennes, Lens, Monaco ou Lille, lui ont offert de fortes expériences dont il fait aujourd’hui bénéficier son club.

Depuis son arrivée à Nîmes en décembre 2019, trois mots clés : exigence, professionnalisme et humilité. Plusieurs transferts judicieux ont permis aux Crocos de se sauver in extremis (18e) la saison dernière (arrivées de Moussa Koné, Nolan Roux et Yassine Benrahou en janvier 2020). Cet été, en pleine crise Covid-19, Reda Hammache a réalisé à nouveau un mercato intéressant. L’international norvégien Birger Meling, l’Argentin Andrés Cubas (meilleur joueur des 5 grands championnats en termes de duels défensifs gagnés) ou encore le gardien Baptiste Reynet sont notamment venus renforcer l’effectif.

Certains supporters nîmois vous appellent « le braqueur », qu’est-ce que ça veut dire ?

Reda Hammache. (il sourit)Ils m’appellent le braqueur parce qu’ils pensent que je suis là pour acheter à bas prix et revendre des joueurs bien plus chers. C’est faux, je ne fais que m’adapter à mon club et à ses finances. Oui, ça peut être jouissif de faire venir un joueur à bas coût et d’envisager une potentielle revente bien au-dessus du prix d’achat. Mais en un an, je n’ai dépensé que 9,5M d’euros car on ne peut pas faire autrement. C’est la réalité du club. Quand d’autres clubs promus investissent 10M d’euros sur un seul joueur -tant mieux pour eux-, nous, on n’a pas le droit. Donc je m’adapte. Impossible d’acheter un joueur à 8M d’euros ici, c’est comme ça.

Cette année 2020, marquée par la crise Covid-19, est très particulière. En quoi cela bouleverse votre métier ?

R.H. Tout a été bouleversé. Les difficultés sont énormes, partout. Il devient donc très difficile d’anticiper, alors que c’est un élément clé de mon métier. Beaucoup de clubs veulent dégraisser, mais quelles sont les perspectives d’achats ? Qui peut encore acheter ? Difficile de s’y retrouver. Il faut aussi bien préciser qu’il y aura forcément une déflation des salaires dans le football. Et plus globalement, je m’occupe aussi d’insuffler une dynamique de développement du club, une professionnalisation du domaine sportif. Il n’y a pas que le mercato. Aujourd’hui, tout est plus difficile, tout est ralenti.

Vous qui connaissez bien le LOSC. L’entraîneur Christophe Galtier estime qu’il se disperse dans son travail depuis le départ surprenant du directeur sportif Luis Campos. Est-ce possible d’être entraîneur et directeur sportif ?

R.H. C’est une situation impossible à tenir. Je comprends ce que vit Christophe Galtier. Un entraîneur a déjà trop à gérer au sein de son groupe pour devoir s’occuper d’autres sujets. Il a raison, il sera trop sollicité et ne pourra pas mener toutes ses missions à bien. Directeur sportif, c’est un job à temps plein.

En tant que directeur sportif, qu’est-ce que vous attendez d’un agent ?

R.H. Faites-moi gagner du temps ! Ou, au moins, ne surtout pas m’en faire perdre. Un agent doit identifier mes besoins. Il doit savoir avec qui il discute. Par définition, un directeur sportif n’a pas le temps. Il faut donc capter son attention. Avec un sujet précis.Je n’ai pas le droit de prendre un rendez-vous pour qu’un agent me fasse une simple présentation de son travail.

On voit de plus en plus de clubs et de directeurs sportifs s’entourer de quelques agents de confiance, voire même d’un seul agent pour satisfaire leur campagne de recrutement. Est-ce une bonne idée ?

R.H. C’est un phénomène qui existe, mais à mon sens, c’est une énorme erreur. Ils se privent d’emblée d’une quantité folle de joueurs intéressants. Je ne cautionne pas, mais si certains en sont là, c’est parce qu’ils en ont marre d’être sollicités à outrance, de perdre du temps. Trop d’agents spéculent. Il y a moins d’agents de joueurs, et plus d’agents de deals. On nous envoie des listes pléthoriques de joueurs, ce n’est pas adapté. Nous n’avons pas de temps pour ça, donc on se renferme.

Alors justement, qu’est-ce qu’un bon agent ? Que doit-il éviter de faire ?

R.H. Il doit d’abord avoir la capacité à se mettre à la place du directeur sportif. Il faut vraiment éviter de prendre contact pour rien. Je veux du concret. Un bon agent, c’est quelqu’un de pragmatique. Il ne faut pas qu’il y ait d’arrogance chez lui. Humilité. Il n’y a pas de meilleur agent, ça n’existe pas.

Qu’est-ce que vous pourriez dire à un jeune agent ?

R.H.  Je lui dirais d’être bien conscient qu’au moment où il appelle un directeur sportif, c’est déjà la 20e personne de la journée à le faire. Il ne faut pas s’acharner à vouloir parler à un directeur sportif de vive voix. Un sms peut suffire, une note vocale aussi. Et même s’il ne reçoit pas de réponse, ça ne sert à rien d’harceler le directeur sportif. Je reçois des dizaines, voire des centaines de messages par jour, si je réponds à tout le monde, même une réponse négative par politesse, combien de temps je perds dans ma journée ? C’est ingérable. Un agent doit savoir être patient. S’il a fait le job, que ça correspond aux besoins d’un directeur sportif, alors il aura la bonne surprise d’être rappelé plusieurs jours, plusieurs semaines ou plusieurs mois après.

Un mot d’actualité pour terminer, une triste actualité. Qu’est-ce que représente pour vous Diego Armando Maradona ?

R.H. C’est un précurseur… Maradona est un précurseur des temps modernes ! Précurseur est un grand mot. Mais je veux parler de la capacité qu’il a eu à décomplexer les artistes. Quel joueur fantastique. Il a montré la voie aux joueurs d’aujourd’hui.

Zone technique

Reda Hammache, Directeur sportif du Nîmes Olympique.

Né le 16 novembre 1982, à Saint Denis (Seine-Saint-Denis)

Clubs : Rennes, Lens, Monaco, Lille et Nîmes.

Gestes techniques préférés :  En tant que spectateur, la roulette de Zidane. En tant que pratiquant, le tacle !

Idoles de jeunesse : Maradona et Zidane.

https://www.agentfootball.fr/                   09/12/2020

Reda Hammache : « Sur le marché français, on n’aurait jamais recruté sept ou huit joueurs »  

 Corentin Corger 7 octobre 2020

 

Ce long mercato estival s'est terminé ce lundi à minuit pour, au total, six arrivées un Nîmes Olympique dans la quête du maintien. Fatigué mais satisfait de ce recrutement, le directeur sportif Reda Hammache fait le bilan. 

Objectif Gard : Ce long mercato est enfin terminé. Êtes-vous soulagé ? 

Reda Hammache : Soulagé parce que l'on a réussi à aborder ce mercato de la manière dont on souhaitait le faire. Et puis on est plutôt satisfait de ce que l'on a entrepris au regard de nos objectifs et de nos moyens qui sont les nôtres (*). À titre personnel, je suis fatigué parce que c'était particulièrement long. Le mercato a démarré au commencement du confinement et a été prolongé jusqu'au mois d'octobre. Mais c'est une bonne fatigue. On a la chance de vivre une dernière journée vraiment paisible ce qui fait d'autant plus plaisir du fait de la victoire de dimanche.

Êtes-vous vraiment satisfait des joueurs recrutés et notamment du plus cher, Niclas Eliasson ?

Si ça avait été possible, tout ce que l'on a fait on aurait aimé le faire au début du mercato. Les planètes ont pu s'aligner au début sur certains dossiers, un peu moins au milieu et puis à la fin les pistes travaillées depuis très longtemps se sont décantées au fur et à mesure. Concernant Eliasson, c'est un dossier que l'on travaille depuis le début du mercato et qui n'a pas pu se faire au départ. Au regard de la qualité du joueur, sa valeur était élevée et son club n'imaginait pas une seule seconde le vendre à un prix plus bas. Ses dirigeants espéraient le garder et le prolonger. On a dû être patients ! On a totalement confiance dans les joueurs qui composent le groupe. Nous n'avions pas d'urgence à ce que ça se fasse. Même si Romain Philippoteaux n'était pas parti c'était prévu de faire Eliasson.

De quoi êtes-vous le plus fier durant ce recrutement ? 

Bonne question (il marque un temps de réflexion). Recruter des bons joueurs ce n'est pas ce qui est difficile à faire. En revanche, recruter les bons joueurs qui correspondent parfaitement aux besoins identifiés de l'équipe, ça c'est beaucoup plus compliqué. Ça nécessite d'avoir une véritable analyse au moment où on établit les diagnostics sur les profils souhaités. Il s'agit de mettre la bonne pièce du puzzle au bon endroit au bon moment. Ce dont je suis le plus fier c'est que nous n'avons pas subi le mercato. C'est quand on perd le fil que l'on fait des bêtises. Là ce n'était pas le cas. Et puis recruter un joueur ce n'est jamais le travail d'une seule personne, il y en a beaucoup sur la chaîne. Les recruteurs (le NO dispose aussi de trois scouts) mais aussi le président qui nous a donné les moyens de le faire et le coach qui participe activement. Quand ça fonctionne bien, on en ressent les bienfaits. Et aussi les personnes de l'administration qui travaillent dans l'ombre et qui se donnent corps et âme pour que les transferts aboutissent dans des timings serrés.

Sur ce mercato, Nîmes Olympique s'est vraiment ouvert à l'international. Comment ça s'explique ? 

C'est un ensemble de choses. Il y a une grosse part de réseau et de travail réalisé de manière très précise et très approfondie au sein de la cellule de recrutement. Mais c'est aussi une nécessité. On voit qu'en France il est de plus en plus difficile de recruter des bons joueurs à des prix raisonnables et cohérents. Je le vois même en Ligue 2. Un joueur qui performe un temps, tout de suite on est sûr des tarifs très élevés. Si on avait imaginé investir ce que l'on a investi uniquement sur le marché français, on n’aurait jamais recruté sept ou huit joueurs. Cela aurait été restreint à deux, trois joueurs.

Comment jugez-vous le début de la saison du nouvel entraîneur Jérôme Arpinon ? 

Il s'est très vite adapté au costume parce qu'il s'y préparait depuis un bon moment et comme toute chose qui se prépare bien quand on est devant le fait accompli on est plus confiant. Et je ne suis pas du tout surpris de la manière dont il a abordé sa nomination parce qu'au moment où j'ai œuvré pour que ce soit lui à la tête de l'équipe j'étais convaincu que c'était la personne idéale. Je ne suis pas surpris, je suis juste content que ça fonctionne et je lui souhaite que ça dure ainsi le plus longtemps possible.

Comment avez-vous vécu ce derby vous qui avez découvert cette ambiance particulière ? 

C'est justement parce que je suis nouveau dans le microcosme nîmois que je me suis positionné comme observateur. Pour moi le meilleur moyen de profiter de ce moment était de bien observer les attitudes des uns et des autres dans la manière de gérer cet événement. Et bien entendu je l'ai vécu avec beaucoup d'émotions. Je ne me rends peut-être pas compte du caractère historique mais les supporters et les collègues m'ont bien transmis toutes les émotions nécessaires pour que je m'en rende compte. En voyant le public à la Bastide, j'ai eu une fois de plus la confirmation que l'on était dans une véritable terre de foot et de passion.

Pour terminer la question classique que l'on pose à un directeur sportif à la fin du mercato : qu'allez-vous faire maintenant ? 

Partir en vacances (rires). Il est impératif de se reposer maintenant. Et puis après continuer à œuvrer pour le développement du club tout en me replongeant très rapidement dans la préparation des prochains mercatos. Dans ma vision des choses, le recrutement de joueurs est quelque chose qui s'aborde tout au long de l'année.

Propos recueillis par Corentin Corger

 

* Ce mercato estival du Nîmes Olympique a coûté environ 9,5M€ pour l'achat de Baptiste Reynet, Niclas Eliasson, Andrés Cubas, Yassine Benrahou, Patrick Burner, Karim Aribi et Birger Meling. 

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Stanislas Golinski
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Stanilas Golinski quand il avait 80 ans, toujours fidèle à Nîmes
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