Jérôme Arpinon : « on ne va pas se mettre en danger pour des droits TV »

L'association des médecins des clubs professionnels de football avec la Commission médicale de la FFF ont élaboré un protocole de reprise pour les clubs. Ce rapport prévoit le retour des joueurs au centre d'entraînement la semaine du 11 mai pour effectuer un bilan médical complet ainsi que des tests concernant le covid-19. Viendrait ensuite, une semaine de reprise individuelle puis par groupes et enfin une reprise collective vers le 29 mai. En imaginant ensuite une reprise de la Ligue 1 début juin. Les médecins recommandent notamment aux joueurs de porter des masques et de se tenir à quatre mètres de distance. Jérôme Arpinon, coach adjoint du Nîmes Olympique, a accepté d'analyser ce protocole et considère qu'une reprise à l'heure actuelle, dans ces conditions, met en péril joueurs et dirigeants. 

Objectif Gard : Les joueurs du Nîmes Olympique vont-ils retourner à la Bastide le 11 mai ?

Jérôme Arpinon : Pour le moment, nous n'avons pas fixé de date précise mais ça sera entre le 11 et le 15 mai. On en discute un peu tous les jours avec Bernard (Blaquart, le coach), Reda (Hammache) et tout le staff. Le docteur essaie de voir comment on peut faire. D'ici le 11 mai, de l'eau va passer sous les ponts. Le protocole de reprise est délicat. Il faut notamment que les joueurs restent à quatre mètres et mettent un masque quand ils ne font pas des exercices physiques. Tout ce que l'on fait sur le terrain, c'est physique. Même un travail technique, on a besoin de ventiler. Les trois quarts des entraîneurs français ne voient pas ça d'un bon oeil. Le protocole est trop exigeant. Il nous demande de reprendre et de rester à quatre mètres : le football c'est interactif avec des contacts. On ne peut pas faire que des exercices physiques. Cela fait déjà deux mois que les joueurs en font. Sur le terrain, ils ont besoin de toucher le ballon.

Est-ce c'est possible concrètement de mettre en place toutes ces mesures ?  

On va regarder ce qui est faisable. Le docteur aura-t-il assez de tests pour tous les joueurs ? Est-ce que nous serons prioritaires pour avoir des tests ? Qui est prioritaire, le football, qui est un sport, un amusement du public comme les jeux romains. On reprend le football, pourquoi faire ? Demain, au bout de cinq matches, il y a le derby contre Montpellier, à huis clos et à Nîmes. Qu'est ce qu'ils vont faire les gens ? Ils vont tous venir autour du stade. Nous on va mettre en danger des gens pour du football.

Dans ces conditions, vous n'êtes donc pas favorable à ce que l'on termine le championnat ? 

Il n'y a pas la sécurité optimum pour les joueurs. Prenons notre temps, on arrête là et on se met en place pour commencer un nouveau championnat avec un meilleur protocole pour les entraînements sans forcer les choses. Vous imaginez jouer un match tous les trois jours, en plein mois de juillet avec la canicule. À chaque journée, on est obligé de tester tout le monde. Il faudrait réaliser 4 000 tests pour la Ligue 1 et la Ligue 2 car au-delà des joueurs et staffs, on sollicite les techniciens, les agents de sécurité, les arbitres, les délégués... Vous avez vu l'âge qu'ils ont les délégués ! On va exposer ces gens. C'est délicat de reprendre. Il n'y a pas 100% de sécurité et même s’il n’y aura jamais 100%, qui est au moins 90%. Là, il n’y a même pas 50%.

Cette reprise met donc clairement en péril la santé des joueurs ? 

On force les choses. Les joueurs ne veulent pas reprendre. Certains veulent que la Ligue leur fasse une dérogation de reprise en cas de contamination. Moi je veux me dédouaner de la sécurité des joueurs et ne pas être responsable si un joueur attrape le virus. Des joueurs ont même évoqué leur droit de retrait, nous avons des pères de famille. Et puis en jouant tous les trois jours, les chances de blessure pour un joueur sont multipliées par six, à partir du deuxième match. J'ai parlé avec d'autres entraîneurs, il y a des équipes qui vont se battre pour le maintien et d'autres pour l'Europe. Celles qui sont dans le ventre mou, sont déjà sauvées. Elles vont s'en servir pour se préparer à la saison prochaine et tronquer le championnat. Les joueurs ne vont pas jouer tous les matches à fond. Il n'y aura pas d'équité. Les mecs en fin de contrat ne vont pas se défoncer et risquer de se blesser.

Si pouviez décider, quel choix auriez-vous fait ? 

Comme le match entre le PSG et Strasbourg ne s'était pas joué, j'arrête à la 27e journée. Je qualifie les six premiers pour l'Europe. Pour la relégation, soit je fais un championnat à 22 la saison prochaine, soit je fais descendre les deux derniers. Et puis demain si je vais jouer à Strasbourg, quel hôtel va m'accueillir ? Qui va me faire manger ? Les avions privés sont des boîtes de sardines, comment va-t-on faire pour respecter la distance ? Prenons le temps pour reprendre. Envisageons la fin du mois d'août pour faire des déplacements corrects mais là de faire les choses vite vite... Personne n’est en sécurité, il y a un risque de blessure des joueurs et un risque de contamination.

Selon vous, c'est l'impératif économique qui motive cette reprise précipitée ? 

Je pense que tout le monde l'a compris. Aujourd'hui, il y a des clubs comme Nîmes Olympique qui ont eu une très bonne gestion. Rani Assaf gère bien le club. Nous n'avons pas été impacté. La partie des droits télés qui va nous manquer sur la fin du championnat ne met pas en péril le club. Pourquoi ? Parce que l’on n’a pas dépensé l'argent que l’on n’avait pas. Beaucoup de clubs en France ont anticipé les droits télés de Mediapro et ont dépensé l'argent qu'ils n'avaient pas. Ces droits TV actuels manquent à leur budget et les met en danger financièrement. C'est leur gestion à eux et ce n'est pas la faute du Nîmes Olympique ni de la LFP. On ne va se mettre en danger pour des droits TV et certains présidents de club qui forcent pour reprendre. Et puis les dés sont jetés. On sait qui va finir champion, qui sont les cinq premiers et ceux qui se battent pour descendre. On n'y est pour rien si Amiens a fait 14 matches sans victoire et si au mois de janvier on a fait une remontada. Ils avaient qu'à la faire avant. Je veux bien que l'on reprenne mais faut assurer la sécurité des gens qui nous entourent. Déjà que l'on organise la saison 2020/2021 correctement, ça serait déjà bien. Celle-là elle est terminée. Au-delà des malades, ce qui est important aujourd'hui c'est l'économie et les commerçants qui sont en difficulté. Dans le football on n'est pas à plaindre.

 

Propos recueillis par Corentin Corger

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Stanislas Golinski
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Stanilas Golinski quand il avait 80 ans, toujours fidèle à Nîmes
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