Le gardien de but est l'une des satisfactions nîmoises de ce début de la saison. Avec sept apparitions dont quatre sans encaisser de but, l’ancien nancéen s’est fait une place chez les Crocodiles. À Jonquières-Saint-Vincent, où il réside avec ses parents, le portier du NO partage sa vie entre sa passion pour le football, son emploi à l'école du village et sa foi religieuse. Rencontre avec un joueur de football autant prometteur que singulier à bien des égards.

La scène est un tournant dans la carrière de Tao Paradowski (18 ans). Nous sommes à l’été 2022 et le gardien de but vient de claquer la porte de l’AS Nancy-Lorraine. « On s’est retrouvé dans la voiture, sans plan B. Personne ne parlait. J’ai vécu le moment le plus compliqué psychologiquement », confesse Régis, le père du gardien de but nîmois. Le moment est crucial et il aurait pu mettre un terme aux espoirs footballistiques chez les Paradowski. Mais il fallait couper le cordon avec le club formateur. Celui des premières émotions et des premières déceptions.

« On me disait que j’étais trop petit »

« Quand tu arrives dans un club pro, il ne faut penser qu’à toi, c’est triste de dire ça. C’est un monde individualiste », regrette Tao. Après des premiers pas dans le club de Jarville, où les éducateurs sont bienveillants, le passage à l’ASNL fait place à l’esprit de compétition. C’est la période où il faut faire ses preuves et se battre chaque jour contre certains préjugés. « On me disait que j’étais trop petit. Ça revenait chaque année mais ça a forgé mon caractère ». Le portier, qui mesure 1,79 m, est en effet moins grand que la moyenne pour son poste.

Dans un milieu ultra concurrentiel, on ne manque pas de lui faire remarquer. Peu importe les esprits chagrins, après tout, son modèle, c’est Jérémie Janot, l'ex gardien de but de l'AS Saint-Étienne qui ne mesure que 1,76m et qui a fait une belle carrière professionnelle. Tao s’accroche. Pour ressembler à son idole, il se rase la tête mais il sent qu’il n’y a pas de place pour lui du côté du stade Marcel-Picot. Dommage, car c’est à Nancy que le jeune homme a tous ses amis.

« J’étais triste de quitter mon club de cœur, mais je savais que j’allais me relever »

La séparation n’est pas facile : « Je pars parce que je ne ressentais pas la confiance et ils me proposaient à nouveau une convention d’un an. J’ai dit non. Je demandais juste un lit pour être hébergé et un peu de confiance. J’étais triste de quitter mon club de cœur, mais je savais que j’allais me relever. » C’est déçu, mais sans amertume, que Tao tourne la page. Il est reconnaissant envers ses entraîneurs Damien Grégorini et Gennaro Bracigliano. Pour rebondir, les propositions ne sont pas nombreuses : « Il y avait des possibilités en N3 et des essais à Troyes et à Reims, mais pour être en concurrence en U19 nationaux », se rappelle Régis.

Alors la famille Paradowski, composée de Régis le père, Agathe la mère, mais aussi les frères Djibrill et Gabin (qui jouent tous les deux au Stade Beaucairois FC) et Tao, voit son avenir ailleurs que dans le Grand Est. Elle rejoint le Gard pour se rapprocher de la grand-mère paternelle qui vit à Pujaut. C’est là que la carrière de Tao prend une nouvelle dimension et tout va très vite. « Le 7 juillet 2022, j’ai fait un jour d’essai avec l’entraîneur des gardiens de la réserve du NO Jérémy Struffaldi. Il m’a dit que la voie vers les pros était plus ouverte que dans les autres clubs. » C’est exactement ce que l’ancien nancéen voulait entendre et il tente l’aventure nîmoise en U18 régionaux.

« La foi m’apaise et ça me permet de voir la réalité des choses, de comprendre les conflits dans le monde »

En octobre, Tao participe à son premier entraînement avec les professionnels, alors entraînés par Nicolas Usaï. « Je m’attendais à ce que ce soit plus compliqué au niveau des frappes », se souvient-il. Petit à petit, le natif de la Réunion emmagasine de l’expérience, y compris quand il participe aux échauffements lors des matchs à domicile. Il ne lui reste plus qu’à attendre la bonne opportunité.

Et puis, il n’y a pas que le football dans la vie. Tao Paradowski est un catholique pratiquant et sa foi l’aide à relativiser face aux épreuves de la vie : « La foi m’apaise et ça me permet de voir la réalité des choses, de comprendre les conflits dans le monde. J’aurais aimé participer aux Journées mondiales de la jeunesse à Lisbonne, mais ce n’était pas possible avec le football. En revanche, j’ai pu aller voir le pape François à Marseille au mois de septembre. Les soirs de match je fais une prière, je touche les poteaux, puis je fais une autre prière ».

« Je surveille la cour pendant la récréation »

Le gardien de but a les pieds sur terre et la tête bien sur les épaules. C’est peut-être parce qu’en complément du football, il cumule une activité professionnelle. Quand son emploi du temps de Crocodile lui permet, il travaille à l’école publique Font Couverte à Jonquières-Saint-Vincent. « J’ai passé mon BAFA (brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur, NDLR), je bosse à la cantine de l'école et je surveille la cour pendant la récréation. J’ai toujours aimé les enfants ». Pour autant, Tao est bien déterminé à réussir dans le football et il rêve de Premier League (Ligue 1 anglaise) pour faire comme son idole Jordan Pickford, le goalkeeper d’Everton.

« J’aimerais, un jour, assister à un match au Goodison Park, l’antre des Toffees ». Avant cela, il va falloir franchir des paliers, à commencer par celui du National. L’opportunité tant attendue se présente le 8 septembre dernier. Elle résulte de la blessure de Lucas Dias après la défaite à Avranches (2-0). Frédéric Bompard le choisit pour garder les cages nîmoises contre Châteauroux. « Je n’ai pas dormi la veille de la rencontre. Je me faisais le match dans ma tête, je voyais des arrêts et des victoires. Ma mâchoire tremblait, mais c’était une pression positive ».

La cocotte-minute et "Zébulon" 

Ce soir-là, Nîmes Olympique est tenu en échec par la Berri, mais Tao s’installe dans le fauteuil de gardien de but pour sept rencontres (dont quatre sans encaisser de but) et aucune défaite. Dans cette série, il y a la victoire contre Nancy (1-0) : « C’était très particulier pour moi. Je me souviens que dans sa causerie, l’entraîneur a dit au groupe : « gagnez ce match pour Tao ! ». Justement Frédéric Bompard, qui est un ancien gardien de but, ne tarit pas d’éloges envers son jeune joueur : « J’aime son activité, sa détente et il est toujours positif. C’est un super gars », assure l’entraîneur nîmois qui le surnomme « Zébulon » en référence au personnage virevoltant de la série télévisée Le Manège enchanté.

Paradowski tient sa première victoire : celle d’avoir pu montrer ses qualités. Mais il n’a pas la mémoire courte et il sait ce qu’il doit à Anthony Babikian, l’entraîneur des gardiens de but du NO. « C’est celui qui m’a le plus apporté. Avec lui on travaille beaucoup les détails, pour qu’ils soient gommés et que je puisse faire des arrêts comme à Cholet ou contre Nancy. Anthony est très important pour moi », insiste Tao. De son côté, « Babik » apprécie son nouvel élève : « Il est très explosif, c’est une cocotte-minute. Il est aussi souple, vivace et il possède une bonne lecture du jeu. Mais il lui faut encore travailler le jeu au pied et le jeu sous pression. C’est un gamin poli, respectueux, travailleur et il consacre beaucoup de temps à son métier. »

Une licence amateur, sans rémunération 

Il y a tout de même une ombre au tableau puisque Tao évolue avec une licence amateur, c’est-à-dire sans rémunération. Depuis l’abandon de l’agrément du centre de formation, le club ne peut plus faire signer un premier contrat professionnel à un joueur de moins de 20 ans. Nîmes Olympique ne pourra donc pas l’engager avant le 25 février 2025. Il est évident que le joueur ne va pas attendre cette date. « Il y a un temps pour tout. Il ne faut pas faire preuve de prétention parce que sans Nîmes Olympique, Tao n’en serait pas là et nous sommes très reconnaissant au club. Il n’empêche qu’à un moment donné, il va falloir discuter. N’oublions pas que Tao a arrêté ses études pour se consacrer au football », explique Régis. 

Norman Jardin

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Stanislas Golinski
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Stanilas Golinski quand il avait 80 ans, toujours fidèle à Nîmes
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