Bernard Maccio, ancien Croco : « Kader Firoud s’est levé et a fait voler le verre »

Alors que les Crocodiles accueillent l’US Avranches ce soir à 19h30 au stade des Antonins, pour le compte de la 20e journée du National, Bernard Maccio ouvre la boîte à souvenirs. L’ancien arrière-gauche a passé trois saisons à Nîmes Olympique au coeur des seventies, avant de s’occuper du club manchois pendant plus de trente ans. C'est avec plaisir que l'ancien international junior évoque André Kabile, Kader Firoud, Jean-Bouin et les autres. Retour sur l’âge d’or du Nîmes Olympique avec le plus Normand des Méditerranéens.

Objectif Gard : Quel était votre parcours avant d’arriver à Nîmes Olympique ?

Bernard Maccio : Je suis natif du quartier du Rouet à Marseille, et j’ai joué trois saisons à Monaco. Mais le club de la Principauté voulait m’envoyer au Red Star. En tant que Marseillais, je ne voulais pas aller à Paris, alors j’ai préféré signer à Boulogne-sur-Mer où je suis resté deux saisons.

C’est durant votre passage dans le Pas-de-Calais que vous avez été repéré par Nîmes Olympique ?

Oui et je suis descendu à Nîmes, car Kader Firoud aimait bien voir les joueurs à l’entraînement avant de les faire signer. Je me suis engagé avec les Crocodiles pour cinq saisons.

Dans quel contexte sportif êtes-vous arrivé ?

Nîmes Olympique jouait la finale de la Coupe des Alpes contre les Girondins de Bordeaux (le 1er juillet 1972, victoire nîmoise 7-2 au stade Jean-Bouin, NDLR). Je ne voulais pas participer à cette rencontre, car j’avais arrêté ma préparation.

C’est donc en tant que spectateur que vous avez découvert le contexte nîmois ?

Je me souviens que, côté Bordelais, il y avait un dénommé Édouard Wojciak, que Kader Firoud n’appréciait pas spécialement. Il avait demandé à Bernard Boissier, qui faisait ses débuts, d’être intraitable sur ce joueur. Bernard, il ne fallait pas lui en promettre et le Bordelais n’a pas marqué.

Où vous êtes-vous installé ?

Pendant six mois, j’ai habité la maison de Jacques Bonnet, route de Caveirac. Après j’ai fait construire une maison dans le quartier de Castanet. Parfois, René Girard venait manger.

Quel était votre statut à Nîmes ?

Je m’entraînais avec les professionnels et j’ai participé à quelques matchs, mais le plus souvent j’évoluais avec la réserve. Le jeu de Nîmes Olympique me correspondait bien. C’était une équipe très agressive et engagée. Dans le petit couloir du stade Jean-Bouin, quand il y avait Adams, Augé, Betton et les autres, les adversaires ne la ramenaient pas. Je me souviens d’un jour où André Kabile a dit au Marseillais Magnusson : Roger, aujourd’hui, tu ne fais pas de gris-gris ! L’ambiance, c’était quelque chose, mais cette équipe savait aussi jouer au ballon avec des gars comme Mezy, Pircalab et Vergnes, le finisseur. Mais aussi Dell’Oste, Iniesta et Mendoza.

Mais certains bons joueurs ne sont pas arrivés à s’inscrire dans la durée, il y a par exemple le Paraguayen Sébastian Fleitas.

Putain, Fleitas ! Putain, Fleitas ! Nous sommes allés disputer un match amical contre le Real Madrid, qui comptait dans ses rangs les Allemands Netzer et Breitner. On perd 5-1 devant 50 000 spectateurs, mais on récupère Fleitas qui jouait au Real. Avant la demi-finale de la Coupe de France 1973 contre Nantes, on était partis en stage vers Alès. Le soir à table, Louis Landi sert un verre de vin à Sébastien Fleitas, tout en sachant que Kader Firoud ne voulait pas que ses joueurs boivent. Pour déconner, les joueurs mettaient le Paraguayen au défi de boire le vin malgré l’interdiction de Kader. Fleitas a relevé le défi, mais d’un coup Kader Firoud s’est levé et a fait voler le verre.

Que s’est-il passé ?

Vexé, Fleitas s’est levé et il est rentré chez lui ! Nous étions pourtant en pleine préparation. Landi et Mezy ne savaient plus où se mettre, mais après ça s’est arrangé.

Les colères de Kader Firoud étaient-elles impressionnantes ?

Oui, un jour un gars se présente au stade Marcel-Rouvière. Il explique être joueur et qu’il veut faire un essai. Kader Firoud accepte et lui demande d’aller se changer. Au bout de quelques minutes, nous avions trouvé étrange de ne pas le voir venir, mais on a d’un coup tout compris. Le type était un imposteur et il avait profité de la situation pour nous faire les poches dans les vestiaires ! Kader a arrêté l’entraînement et il est parti avec sa Ford Capri blanche. Il cherchait le gars partout.

C’est un coach qui savait transcender ses joueurs, n'est-ce pas ?

Il y avait Denis Mathieu qui jouait ailier droit. Il était vif et rapide. Il avait un statut de remplaçant, un peu comme moi. Mais comme il jouait devant, il bénéficiait de plus de possibilités de jouer. C’était un garçon timide et réservé. Denis faisait des études de droit et sa femme était coiffeuse. « Denis, tu es intelligent dans la vie, mais sur le terrain tu es un con ! », lui a asséné le coach. Pour motiver les joueurs, Kader pouvait faire preuve de psychologie. Un jour, un joueur est arrivé à l’entraînement visiblement pas dans son état normal et probablement ivre. Kader, sans l’engueuler, lui a dit qu’il pouvait rentrer chez lui pour se reposer.

Pour les adversaires, cela ne devait pas être facile de jouer à Jean-Bouin ?

Un jour, j’ai vu le Lyonnais Yves Mariot qui s’amusait à faire une double roulette devant Henri Augé. C’était juste au poteau de corner, du côté de la petite tribune. Augé avait sorti un tacle à la gorge, on pouvait faire ça à l’époque, et le Lyonnais n’est pas passé.

C’était compliqué de se faire une place dans cette défense nîmoise ?

Michel Odasso était un arrière droit très technique, qui préparait toujours bien ses matchs. Il dépareillait un peu avec les autres défenseurs (rires). Il y avait aussi Bernard Boissier, qui était son suppléant et qui faisait des supers matchs face à des grands joueurs comme le Marseillais Skoblar, le Stéphanois Beretta ou le Nantais Maas. Il fallait leur rentrer dedans et Bernard aimait ça. Jean-Pierre Betton et Henri Augé étaient des très bons joueurs de club. Quant à Jean-Pierre Adams, il est arrivé ailier droit et c’est Kader Firoud qui l'a mis en milieu défensif. Il avait une grosse condition physique. Quand en plein mois de juillet, nous devions monter en courant la côte du stade Marcel-Rouvière, Jean-Pierre Adams rigolait pendant que nous on dégueulait au pied des arbres. C’était un phénomène et d’une gentillesse extraordinaire.

Quel était le rituel du week-end avec les Crocodiles ?

On jouait les samedis, après l’entraînement du lundi, on se retrouvait au bar de l’Industrie. Au premier étage, autour de la grande table, nous refaisions le match.

Avec quels joueurs nîmois étiez-vous proche ?

Il y avait Girard, Martinelli et Boissier que je côtoyais avec la réserve. Mais tout le monde était abordable. Je revois arriver au stade René Girard avec sa Renault 4. Lui, il était comme Boissier, quand dans les oppositions Firoud mettait Girard au marquage de Mezy, Michel n’était pas content parce que René, sur le terrain, ça ne rigolait pas.

Qui étaient vos coachs avec la réserve nîmoise ?

Il y a eu Henri Noël puis Daniel Charles-Alfred. Ce dernier participait aux oppositions quand il manquait un joueur. Il avait arrêté sa carrière, mais sur le terrain on ne voyait pas la différence. Et puis, quand vous étiez avec lui en défense, vous aviez intérêt à assurer.

Quelles sont les raisons qui empêchaient de vous voir plus souvent en équipe première ?

Au départ, je suis venu pour être la doublure d’André Kabile, qui avait 33 ans à l’époque. Mais le mec a continué à jouer, même à bien jouer et il n’était jamais blessé, ça me faisait chier quoi. Mais c’était logique que Dédé joue, ce n’était pas une injustice. Alors, parfois, je jouais arrière-droit et puis parfois André était suspendu, ça me faisait espérer (rires). À l’époque, il n’y avait que douze joueurs sur la feuille de match.

Avec le temps, vous avez préféré partir ?

Après trois saisons à Nîmes, j’avais 25 ans et je souhaitais partir pour jouer plus souvent. J’ai eu des contacts avec Bastia, mais monsieur Calabro, le président de Nîmes, a été un peu trop gourmand. Je crois me souvenir qu’il demandait 20 millions de francs pour un transfert ou sept millions pour un prêt. On a discuté avec le club corse, qui était en D1, jusqu’au dernier jour. Mais ils n’ont rien lâché. Dommage, car j’ai de la famille là-bas et j’ai des origines corses.

Où avez-vous finalement atterri ?

J’ai eu une opportunité avec l’ancien président de Boulogne-sur-Mer et je suis remonté dans le Pas-de-Calais.

Par la suite, avez-vous revu vos anciens coéquipers nîmois ?

En 1992, avec Avranches, on va jouer un match de Coupe de France en Guyane. Au retour, nous faisons une escale à Fort-de-France. Dans un bar de plage, j’ai passé l’après-midi avec André Kabile. Là-bas tout le monde le connaît.

Quelle est votre histoire avec Avranches ?

Ma femme est Normande et je suis arrivé à Avranches en 1986, après cinq saisons à Gien. On m’a proposé le poste d’entraîneur alors que le club était en division d’honneur. Il y avait des bons joueurs amateurs locaux, mais pas d’argent. Les dirigeants voulaient amener un peu de professionnalisme.

Comment se sont passés vos débuts dans ce club ?

On a terminé en tête du championnat, invaincus et nous sommes montés en D4. Trois ans plus tard, c’était en CFA, l’équivalent de la N2. Puis on a fini par accéder au National au bout de trois saisons. Je suis resté entraîneur pendant douze ans à Avranches, dont cinq en National.

Avranches, c’est le Guingamp normand ?

C’est un peu ça, mais avec moins d’argent. En 1991, en Coupe de France, on a reçu Sochaux avec les Sylvestre, Bazdarevic et Hadzibegic. Nous avons perdu 2-1, alors qu’on mène 1-0 et que l’on fait un poteau. Il y avait 8 500 spectateurs, c’est-à-dire plus que le nombre d’habitants à Avranches.

Qu’avez-vous fait après cette expérience d’entraîneur ?

J’ai passé deux saisons à coacher Villedieu-les-Poêles, et je suis revenu à Avranches pour m’occuper des U18. On est monté en National et j’ai gardé cette catégorie pendant 15 ans. Enfin, j’ai pris en charge les U17 jusqu’en 2018. C’est là que j’ai tout stoppé. De 1967 à 2018, je n’ai pas arrêté de vivre avec le football. Aujourd’hui, les matchs, je les regarde à la maison avec ma femme. 

Allez-vous suivre le match de ce soir entre Nîmes et Avranches ?

Bien sûr ! J’attends le sursaut de Nîmes Olympique car la place de ce club, c’est minimum la Ligue 2. Au vu du match aller (victoire d'Avranches 2-0, NDLR), je me doutais que la saison serait compliquée pour les Crocodiles. Du côté d’Avranches, les joueurs qui ont été performants en début de saison se sont un peu éteints, mais c’est une équipe capable de faire un coup. Finalement, j’espère que les deux équipes vont se maintenir en National.

Propos recueillis par Norman Jardin

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Stanislas Golinski
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Stanilas Golinski quand il avait 80 ans, toujours fidèle à Nîmes
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