Révélé par Objectif Gard fin décembre, le départ pour Monaco de l'entraîneur des gardiens du Nîmes Olympique, Sébastien Gimenez, a été officialisé en début d'année. L'ex plus ancien salarié du club revient sur son transfert et ses seize années chez les Crocos. Il livre aussi son sentiment sur la situation actuelle des Crocos et sa vision pour l'avenir du football nîmois.
Objectif Gard : Vous êtes arrivé à Monaco lundi. Comment se passent ces premiers jours ?
Sébastien Gimenez : Plutôt bien, je prends mes marques et suis un peu dans l'observation pour le moment. Je suis entraîneur des gardiens au centre de formation. Je m'occupe principalement de cinq gardiens à haut potentiel qui évoluent en U17, U19 et National 2. Parmi eux, trois sont en équipe de France de leur catégorie. Le centre d'entraînement est tout neuf, les moyens mis à disposition sont importants. Il y a donc beaucoup d'attentes. Mais c'est ce que je voulais : je ne serai pas parti pour un projet bancal. J'avais envie de voir autre chose, de tester mes limites. Monaco a été assez pressant. Mon profil avait été fiché et positionné en première position. C'est flatteur. Le club a envie de travailler avec moi sur la durée et je me suis engagé jusqu'en juin 2024.
Votre départ a traîné. Avez-vous eu peur d'être retenu par le Nîmes Olympique ?
Sincèrement oui. À un moment, je me suis même dit que c'était mort. J'avais une première deadline au 3 janvier que Monaco a accepté de repousser. Au départ, le président ne voulait pas me laisser partir en cours de saison car la situation sportive est précaire. Mais il s'est finalement montré humain : il a été sensible à mon désir d'un nouveau projet et a compris que cela pouvait changer la vie de ma famille. Une fois qu'il a remanié son staff, il a accepté de me libérer et je l'en remercie.
On imagine que tourner la page Nîmes Olympique n'a pas dû être facile pour vous...
Non, c'était même très dur. D'autant que le club n'est pas dans une situation facile. Quand j'ai signé ma rupture, plein de choses me sont remontées : mon arrivée au club avec Patrice Beaumelle et Régis Brouard, la montée en 2008 contre Laval même si j'avais perdu ma place de titulaire quelques semaines plus tôt, le décès de mon oncle qui était un grand supporter et qui est venu au stade jusqu'à la fin, les entraînements délocalisés dans mon village de Gallician et toutes les aventures humaines que j'ai vécu ici... Pour mes parents aussi, c'était une vraie fierté que je travaille au club. D'ailleurs, quand j'ai annoncé mon départ à mon père, la première chose qu'il m'a dit c'est : "Bon, je continuerai à aller aux Costières". Mais d'un autre côté, j'avais l'impression d'avoir fait le tour et d'avoir tout connu ici. Si j'étais resté, je pense que je n'aurais plus progressé et qu'à terme j'aurais fini par être dépassé. Je ne voulais pas devenir un fonctionnaire.
Remontons un peu dans le temps. Comment êtes-vous devenu entraîneur des gardiens au Nîmes Olympique ?
En fait, j'ai entraîné les gardiens tout au long de ma carrière de joueur. Je m'occupais déjà des jeunes à Arles, puis à Castelnau et à Sète. Quand je suis arrivé au Nîmes Olympique en fin de carrière, il n'y avait pas d'entraîneur dédié au poste. On faisait un peu nos séances spécifiques entre nous, de temps en temps avec l'aide de l'entraîneur adjoint. Et là aussi, je m'occupais un peu des jeunes. Puis, à son arrivée au club, Jean-Michel Cavalli m'a proposé le poste.
Quel gardien vous a le plus impressionné au cours de toutes ces années ?
Sur sa capacité à faire des arrêts sur sa ligne, c'est Paul Bernardoni. En spécifique, je me demandais comment j'arriverais à lui mettre un but. Il prenait tellement de place ! Sinon, par sa maturité, Mathieu Michel. Son premier match en pro, c'était quelque chose d'énorme pour moi. Quand tu suis un gardien depuis dix ans, que tu crois en lui, l'amener à ce niveau là est une grande joie. L'année des moins huit points, il a été incroyable. Il a tout assumé jusqu'au capitanat alors qu'il était encore très jeune. J'ai été aussi très content de la trajectoire de Gauthier Gallon, même si son retour avorté a été un moment difficile. Je suis très content qu'il réussisse ailleurs. Il le mérite.
Avec quel entraîneur avez-vous préféré travailler ?
J'ai bien aimé travailler avec Thierry Froger. Même s'il était un peu bourru, c'était quelqu'un de franc du collier, il s'appuyait sur moi et me laissait beaucoup d'autonomie. Pour lui, j'étais un adjoint à part entière. J'ai aussi adoré Bernard Blaquart qui représentait la sagesse. Avec Jean-Michel Cavalli, c'était drôle. Il avait beaucoup de charisme, une personnalité très marquée et un petit côté pagnolesque.
Anthony Babikian va vous succéder. A-t-il les épaules pour réussir ?
Oui je le crois. On a travaillé six ans ensemble et j'ai d'ailleurs été à l'origine de son arrivée. À l'époque, je travaillais seul et j'avais besoin d'un soutien. Anthony me ressemble beaucoup, il colle à ma mentalité. Comme moi, il a été doublure au cours de sa carrière de joueur. Le fait d'être souvent sur le banc donne un œil différent, plus analytique. C'est quelqu'un qui comprend le jeu et se fait une opinion sur les choses, ce qui est primordial pour ce poste. Et puis, il a la fibre pour les jeunes. C'est avant tout un formateur.
L'exceptionnelle dynamique qui accompagnait le Nîmes Olympique pendant l'ère Bernard Blaquart s'est complètement inversée aujourd'hui. Comment l'expliquez-vous ?
Déjà, je pense que c'est un miracle d'être resté trois ans en Ligue 1. Chaque saison, on perdait du monde et on n'arrivait pas à se renforcer suffisamment. Ensuite, Bernard avait compris qu'il fallait une équipe généreuse, un pressing tout terrain et un jeu direct pour que le public nous suive. Il avait saisi l'aspect sociologique du football à Nîmes : les gens aiment le football total. Tous ceux qui rentraient dans l'équipe savaient ce qu'ils avaient à faire. C'était un fédérateur de talent.
Par la suite, on a perdu peu à peu cet état d'esprit nîmois. Quand des joueurs qui font partie du noyau du vestiaire s'en vont, les équilibres se déplacent. Les leaders ne sont plus les mêmes et on a perdu beaucoup sur le plan humain. Cette année, le groupe est composé de bons gars, tous très gentils et avec une bonne mentalité. Mais l'état d'esprit n'est plus le même que celui qui a permis la montée. Le temps a fait son œuvre, c'est très compliqué d'entretenir ça. Pour y parvenir, il faut des grandes lignes directrices au niveau sportif.
Pensez-vous que le club se soit structuré ces dernières années ?
Sur le plan humain, c'est indéniable. Le staff s'est étoffé. J'ai connu le Nîmes Olympique avec un staff à trois personnes. Mais aujourd'hui, le vrai problème, ce sont les infrastructures. Au quotidien, c'est très difficile de travailler à la Bastide. Il n'y a pas ce qu'il faut. Ça ne date pas d'hier, depuis 25 ans rien n'a évolué. Aujourd'hui, le Nîmes Olympique prend part à des courses de Formule 1 et roule en karting. Je ne vois pas comment on pourrait continuer à rester en Ligue 2 avec les Costières et la Bastide. On ne peut pas travailler efficacement.
J'ai visité le centre d'entraînement d'Angers qui comme beaucoup d'autres clubs est très en avance sur nous. Il nous faut de nouveaux outils, sinon on va prendre du retard sur tout le monde. Alors, c'est vrai que j'aurais parfois aimé que le quotidien soit amélioré. Mais j'ai conscience qu'on ne peut rien faire ici. Le tort de Rani Assaf est sans doute de ne pas assez communiquer et j'ai eu parfois l'impression que les choses n'allaient pas assez vite, mais il a au moins le mérite d'avoir un projet qui permettra au club de se structurer et d'avancer. Avec un nouveau centre d'entraînement et un nouveau stade, on pourra enfin lutter. Aujourd'hui, le club est en train de changer. Il est dans sa crise d'adolescence.
Comment avez-vous vécu la perte de l'agrément du centre de formation ?
On savait que c'était dans les tuyaux. Au début, ça m'a dérouté : pour moi, il fallait le garder car les jeunes nous ont régulièrement sauvé ces dernières années et qu'un joueur formé au club coûtera toujours moins cher qu'une recrue extérieure. Mais je comprends qu'il faille faire des choix. La priorité du président c'est de sauver la Ligue 2.
Le Nîmes Olympique a pourtant déjà connu des relégations en National et s'en est remis...
Oui, mais à mon sens, le club est à un virage et ne peut plus se permettre de prendre plus de retard. Rani Assaf est quelqu'un qui comprend vite les enjeux. Il sait exactement comment le monde change. Le football a changé. Je suis parfois nostalgique et regrette le football populaire que j'ai connu, mais je pense que le schéma actuel va disparaître. Le football européen va subir une grosse mutation et risque selon moi de devenir un sport franchisé.
Ça me fait mal au cœur et ça ne plait pas au public car ça enlève la glorieuse incertitude du sport. On est peut-être des vieux cons qui disent que c'était mieux avant, mais aujourd'hui l'aspect financier est inévitable. Les investisseurs ne sont plus les mêmes qu'il y a une dizaine d'années et les sommes investies sont sans commune mesure. Il faut savoir tourner la page. On a vécu les meilleurs moments d'un sport populaire qui aujourd'hui n'en est plus un. On ne reviendra pas en arrière, mais on peut retrouver ces valeurs-là dans un sport franchisé. Je comprends que les supporters soient déroutés, moi-même j'ai eu du mal à me faire à l'idée. Mais à un moment donné, il faut l'accepter. Sinon, on va se retrouver à la traîne.
Je ne vois pas comment des entreprises pourraient continuer à accepter d'investir avec au bout le risque d'une relégation synonyme d'une perte de 40% de leur chiffre d'affaires. Aujourd'hui, on ne peut pas mettre en place un projet sportif. On travaille dans l'urgence, dans la course aux points. L'avantage de ce système serait de remettre un peu d'égalité et de donner du temps aux équipes pour véritablement travailler autour d'un projet de jeu. Le spectacle en sortirait grandi.
Vous voyez-vous revenir au Nîmes Olympique un jour ?
Ça me plairait, je suis très attaché au Nîmes Olympique. Être entraîneur des gardiens est extrêmement physique et je ne pourrais pas le rester toute ma vie. En revanche, revenir sur un autre poste pourrait m'intéresser. Quand on regarde comment fonctionnent les gros clubs, on voit qu'ils disposent tous d'une cellule performance qui est indépendante. Elle recentre les entraînements et donne une ligne directrice à l'équipe professionnelle, à la formation et à la préformation.
Selon moi, c'est comme ça que l'on peut inculquer une mentalité et une identité de jeu à un club. Cette cellule développe les outils qui permettent de mesurer les hauts potentiels de chaque joueur et l'aide à s'épanouir dans le système mis en place. Travailler pour ce type d'organe pourrait m'intéresser un jour. Aujourd'hui, j'en serais incapable. Je dois d'abord m'enrichir avant de pourquoi pas proposer mes nouvelles compétences au Nîmes Olympique un jour.
Propos recueillis par Boris Boutet
Annoncé partant à l'AS Monaco, l'entraîneur des gardiens du Nîmes Olympique, Sébastien Gimenez, a souhaité revenir sur les informations divulguées par Objectif Gard mercredi soir. Après 16 ans au club, il se sent prêt à tenter une nouvelle aventure.
Objectif Gard : Pourquoi décider de rompre le silence aujourd'hui ?
Sébastien Gimenez : D'habitude, je réponds peu aux sollicitations médiatiques. Mais, aujourd'hui, cela me touche personnellement. Ce n'est pas un choix facile car j'ai passé 16 ans ici mais je veux être cash : j'ai émis le souhait de partir à Monaco dès le mois de janvier. Je ne souhaite pas mettre la pression à qui que ce soit, mais pour mes proches, je devais m'exprimer.
À quand remontent les sollicitations monégasques ?
À vrai dire, moi, je n'ai rien demandé. Une entreprise indépendante de chasseurs de tête est venue me chercher il y a plusieurs semaines. J'ai décidé d'aller au bout des entretiens. Je suis actuellement en première position pour un poste qui intervient sur la formation. La condition, c'est que je puisse me libérer de mon contrat à la date buttoir. J'avais déjà eu des sollicitations d'autres clubs précédemment. Mais cette fois, il y a un vrai projet et j'ai envie d'y aller.
Votre destin est donc entre les mains de Rani Assaf ...
Oui, mais je veux que les choses soient claires : mes velléités de départ ne doivent pas être interprétées comme un désaveu de la politique du club. C'est un projet de vie pour famille à côté duquel je ne peux pas passer. C'est aussi une aspiration personnelle. Il y a des tournants dans la vie. Je sens qu'à 47 ans, pour moi, c'est le moment d'évoluer. Aujourd'hui, je ne crois pas que mon influence soit prépondérante au club. Anthony Babikian travaille à mes côtés depuis six ans, il m'a remplacé quand j'ai eu la covid et quand je me suis blessé au genou. Il est capable de prendre le relai.
Propos recueillis par Boris Boutet 23/12/2021