Tous les mercredis du mois d’août nous donnons la parole à des joueurs qui ont porté le maillot du Nîmes Olympique une seule fois en professionnel. Qu’ils soient connus, méconnus ou oubliés, ils nous livrent leur vie au NO et ils se souviennent de ce match qui les a fait entrer dans l’histoire du club. Découvrez, avec nous, ces Crocodiles pas comme les autres. Cette semaine, la rubrique est consacrée à Michel Estevan, Nîmois d’un soir de septembre 1980 au Parc des Princes. Une unique apparition qui n’a pas eu de suite. L’ancien entraîneur de Beaucaire et Arles-Avignon a peut-être payé son caractère entier et ses rapports tendus avec ses coaches. Plus de quarante ans après, il se souvient de cette période difficile.

Comment débute votre histoire avec Nîmes Olympique ?

J’avais 18 ans et je jouais à Arles. Un jour, j’ai reçu un courrier chez mes parents. C’était Jean Bandera qui me convoquait pour un stage de deux ou trois jours à La Bastide. J’ai d’abord cru à une blague car Nîmes gagnait toutes les compétitions au niveau des jeunes. C’était le gratin de la région, le club qui faisait peur à tout le monde.

Comment s’est passé ce stage ?

Je n’ai pas été très bon mais les recruteurs sont restés sur ce qu’ils avaient vu lors des matchs de championnat avec Arles en D2.

Étiez-vous sollicité à cette époque ?

Nous n’avions pas d’agent et les clubs ne nous disaient rien quand ils recevaient des propositions d’autres clubs. Par exemple pour mon cas, Monaco avait contacté Arles. Je n’en ai jamais été informé. Nîmes avait trouvé mon adresse et m’avait directement appelé.

Quelles étaient vos qualités ?

J’ai commencé avant-centre mais ma taille m’a fait reculer. J’allais vite et techniquement je n’étais pas mal avec une bonne vista. À Arles, j’évoluais en numéro 10, je faisais marquer beaucoup de buts. Je percutais et je ne craignais pas d’éliminer deux ou trois joueurs. Mais quand je suis arrivé à Nîmes, on m’a expliqué que le football ce n’était pas ça et qu’il fallait jouer avec les autres.

Vous êtes vous bien intégré au NO ?

À cette époque, il y avait moins de mouvement dans les effectifs. Nous arrivions dans un groupe qui était déjà fait. On prenait la place de quelqu’un. C’était ce que j’ai ressenti et ça m’a valu de m’accrocher avec certains. Je n’avais jamais été remplaçant et j’avais l’impression d’être écarté. J’étais persuadé que je devais jouer mais certains avaient des passe-droits.

Il arrive tout de même le moment où vous êtes appelé avec l’équipe première.

J’étais parti avec les pros pour un match amical à Casablanca et ça c’était bien passé. Le week-end suivant, Henri Noël, l’entraîneur de l’équipe première, me retient pour le match de championnat à Paris. J’étais heureux.

Vous souvenez-vous des moments qui ont précédé le match ?

Je me rappelle quand le bus est passé sous le stade et puis c’était le Parc des Princes, là où on voyait jouer l’équipe de France. J’avais 18 ans mais je n’ai pas été envahi par le stress ou la peur.

Racontez-nous cette unique rencontre avec les pros ?

J’ai fait un bon match mais je me suis fait mal au genou. Lors d’un contact avec Luis Fernandez, mon genou se tord mais je continue. Ensuite, Rocheteau part sur le côté, je tente un tacle que je manque mais je prends un coup sur le pied. J’avais un peu mal et je suis remplacé.

Avez-vous eu une occasion de but ?

Je me souviens d’un corner de Gamouh. Je veux passer mettre la tête pour égaliser mais Baratelli est plus rapide. Il ne me reste que des belles images et j’ai réussi mon match.

Que s’est-il passé les semaines suivantes ?

Il y a eu un match contre Bastia et je n’ai rien dit au sujet de ma blessure au pied, d’autant qu’il avait dégonflé. J’avais mal mais je serrais les dents. Il y a eu Bernard Boissier qui nous poussait en nous disant : « On ne gagne pas sa place comme cela, si au moindre truc tu veux t’arrêter. » Il avait mauvais caractère mais il m’aimait bien et c’était un vrai combattant. Malheureusement, lors d’un entraînement à La Bastide, mon genou lâche. J’avais un ligament distendu, cela m’a valu un mois et demi d’arrêt.

Votre chance était donc passée ?

Non, lorsque je reviens, Henri Noël me reprend remplaçant à Sochaux. Mais quand le coach me demande de rentrer pour remplacer Armando Bianchi, je ne pouvais pas jouer car j’avais les pieds complètement gelés.  C’étaient deux blocs de glace, je ne les sentais plus (NDLR : Rencontre jouée le 6 décembre 1980).

Aujourd’hui, si un de vos joueurs vous dit qu’il ne peut pas entrer car il a les pieds gelés, quelle serait votre réaction ?

Je deviendrais fou et je craquerais. Mais naïvement j’avais dit la vérité, je n’avais plus de sensation dans les pieds.

Avez-vous été retenu un autre fois avec le groupe pro ?

Oui contre Saint-Étienne. Le coach me demande de m’échauffer pendant plus d’une heure sans me faire rentrer. Quand je le regardais, il tournait la tête dans l’autre sens. J’avais les boules. C’était vexant ! Mon ancien entraîneur d’Arles, ma famille et mes amis étaient venus me voir jouer et je ne suis pas rentré.

Les relations ont-elles été compliquées avec vos entraîneurs nîmois ?

Il y a eu une incompréhension avec Pierre Barlaguet et je lui en ai toujours voulu. Il entrainait la réserve et un jour il m’a demandé de jouer en faux-ailier. Mais je ne savais pas ce que cela voulait dire et j’ai fait un match très moyen. Devant tout le monde, il m’a aussi reproché de colporter que j’allais devenir professionnel. C’était faux. Nos rapports se sont tendus et j’ai devancé l’appel à l’armée avec l’intention de quitter le club. J’avais tendance à répondre et donner mon avis. Le non-dit ne sert à rien.

Auriez-vous dû faire profil bas et laisser passer l’orage ?

C’est ce que me conseillait mon ami Christian Perez, qui me disait : « en pro, il ne faut pas parler, tais-toi. » Innocemment, je croyais que l’on pouvait dire ce que l’on pensait. J’aurais dû la fermer parce qu’ils voulaient m’apprendre la rigueur du métier. Mais j’avais la hargne et la haine. À la limite, j’espérai que ça se passe mal pour l’équipe et qu’il me fasse entrer. Mon statut de remplaçant me vexait.

Avez-vous gardé une amertume envers Nîmes Olympique ?

J’ai gardé des très bonnes relations avec Morisseau, Mansouri, Perez, Goudard et plein d’autres. Mais chaque fois que je jouais contre Nîmes, j’avais un esprit revanchard quand il y avait Barlaguet sur le banc. Je voulais y montrer qu’il s’était trompé.

Toutefois, vous avez failli revenir à Nîmes en tant qu’entraîneur, n’est-ce pas ? 

C’est un gros regret. À l’époque, je mange avec Jean-Louis Gazeau, qui était le président de Nîmes Olympique et à la fin du repas il me dit : “c’est bon, j’ai trouvé mon entraîneur”. Mais un jour, un journaliste m’appelle pour savoir si je serais présent à la conférence de presse du lendemain. Je n’étais pas au courant de cette conférence de presse et c’est Didier Ollé-Nicolle qui a été nommé entraîneur. C’est la vie, mais ce n’est pas bien.

Si un jour Rani Assaf vous appelle pour prendre le poste d’entraîneur, seriez-vous intéressé ?

Je n’irais pas travailler avec lui. Cet homme ne m’intéresse pas. Il ne pense pas football mais le contraire de ce qu’il faudrait faire à Nîmes. En attendant, le club se meurt et il ne mérite pas ça.

Propos recueillis par Norman Jardin

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Stanislas Golinski
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Stanilas Golinski quand il avait 80 ans, toujours fidèle à Nîmes
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