« QUAND JE SUIS ARRIVÉ À NÎMES, JE NE SAVAIS PAS JONGLER »

 

Renaud, revenons sur le début de saison, ça démarre plutôt mal pour toi...

Déjà, je sors d'une saison compliquée en prêt au CA Bastia, en National. On est relégués, et même si le club est repêché et ne descend pas, l'ambiance n'était pas géniale. Puis dès mon retour à Nîmes, le club est pénalisé de 8 points au classement, et les dirigeants me disent qu'ils ne comptent pas sur moi. Ils ne me mettent pas au placard, mais ils m'expliquent que je ferais mieux de trouver un autre club.

Tu as des pistes à ce moment-là ?

En National, un peu, mais je ne veux pas redescendre à ce niveau. Je ne voulais pas partir pour partir, et je me dis que dans le foot, ça va vite, que j'aurai ma chance ici si je bosse. Je joue les premiers matchs et je fais des grosses performances. Mais je ne marque pas. Vu que c'est ce que tu demandes à un attaquant, l'entraîneur me sort de l'équipe. Pendant deux mois je ne joue pas, je vais en réserve. Je marque pas mal en CFA2, mais rien ne bouge jusqu'au changement de coach. Pasqualleti est remplacé par Blaquart, fin novembre.

Le club va très mal à ce moment-là...

On avait commencé la saison avec 8 points de pénalité, et là on doit avoir 10 points de retard sur le premier non-relégable. C'est la même chose à la trêve. On est tous un peu en dedans. Il n'y a pas une mauvaise ambiance dans le groupe, mais tout semble négatif. Le nouveau coach nous parle, et nous remet en confiance.Quand il arrive, il me dit : « Renaud, tu n'as pas les qualités pour jouer devant. » Il a peut-être raison, et il me replace milieu droit dans notre 4-4-2. J'aime bien courir, donc ça me va ! On m'appelle le Kényan dans le vestiaire. Depuis, il m'a fait confiance à ce poste, même si ce n'est pas là que j'ai été formé. Heureusement qu'il est arrivé, sinon je ne sais pas de quoi ma saison aurait été faite...

À partir de son arrivée, votre saison prend une autre tournure.

On gagne contre Tours aux Costières, mais on passe encore un mois de décembre compliqué. Juste avant la trêve, on perd un match à Laval au bout du temps additionnel. Inconsciemment, on se dit que c'est mort. On a 9 points de retard, donc le joueur qui te dit qu'il croit au maintien, c'est un menteur. Heureusement que la trêve arrive d'ailleurs, sinon... Là, on part en stage pendant quelques jours, et ça peut faire cliché, mais entre joueurs, on se parle, le coach nous parle. Le discours est assez simple : qu'est-ce qu'on veut faire ? On va pas passer 6 mois à se faire chier, autant jouer, prendre du plaisir.

Arrivent les premiers matchs de janvier.

On enchaîne une victoire, puis deux et trois. Que des gros, Brest, Clermont, Nancy, puis on gagne une quatrième fois, contre Auxerre. On n'est plus derniers, on commence à y croire et on se dit qu'on est capables de le faire. La confiance est là et l'ambiance redevient positive. On est pas mal de jeunes dans le groupe, on se connaît depuis qu'on a 13 ans, et on est bien entouré par les anciens, Toifilou (Maoulida), Harek. On rigole tout le temps, on est une vraie bande de potes. L'engouement se crée petit à petit, dans toute la ville.

Les Costières redeviennent les Costières, imprenables (une seule défaite depuis l'arrivée de Blaquart, ndlr) ?

En début de saison, on avait environ 4000 personnes au stade. Ils avaient même fermé une tribune parce qu'on ne la remplissait pas. Mais les fans nous ont toujours soutenus, et à partir du moment où les résultats sont revenus, le stade s'est rempli à nouveau. C'était fou parfois, on a fait 10 000 de moyenne, je pense, lors de la deuxième partie de saison, avec un guichet fermé contre Lens. Même pour les matchs à l'extérieur d'ailleurs, ils nous ont soutenus. Je me souviens du match contre Nancy qu'on va gagner là-bas. On est toujours 19es à ce moment, mais quand on revient à la gare de Nîmes, ils sont plus de 200 à nous attendre avec des fumis, à chanter, etc. 

Vous en parlez entre joueurs, de ces supporters qu'il ne faut pas lâcher ?

Bien sûr, c'est une source de motivation supplémentaire. Ils nous ont grave aidés cette année. En plus, moi, je suis à part. Je suis né ici, donc Nîmes n'est pas un club comme les autres.

Tu allais au stade, petit ?

Oui, pas à tous les matchs, car mes parents s'en tapent du foot, mais je devais avoir 6 ans pour ma première, j'y étais allé avec les parents d'un copain. Après, on était derrière les buts, avec les « fous » , on faisait des pogos ! J'avais aussi fait ramasseur de balle sur le match de la montée en Ligue 2, contre Laval, en 2008, on avait embrassé le crâne de Robert Malm, c'était une saison de folie !

Tu avais un joueur préféré ?

Non, pas spécialement, j'aimais toute l'équipe. J'ai aussi en souvenir notre épopée en demi-finales de Coupe de France 2005, c'était énorme. Je n'étais pas abonné au stade, mais j'y allais souvent. Et après, j'ai intégré le club, donc j'avais des places pour les matchs. On avait entraînement à 18h le vendredi, donc on se dépêchait pour aller aux Costières juste après, même si on ratait toujours le premier quart d'heure.

Il y a d'autres Nîmois dans l'équipe ?

Oui, on est plusieurs. La nouvelle politique du club est de former et de faire jouer des jeunes du coin. Sur les vingt-cinq du groupe, on est peut-être dix à avoir été formés ici, dont une bonne moitié de Nîmois, notamment le gardien et capitaine Mathieu Michel. Les gens le sentent. Ça rapproche, et l'engouement est plus grand cette année, au moins sur les six derniers mois. En plus, le nouvel entraîneur, Bernard Blaquart, c'est un formateur. Il fait confiance aux jeunes, c'est plus facile pour les supporters de s'identifier avec des jeunes du coin.

Sur un plan personnel, cette saison, tu as eu deux périodes fastes. Tu te réveilles avec l'arrivée du nouveau coach, et surtout lors de la fin de saison, où tu inscris 5 buts et délivres deux passes en huit matchs. Tu avais besoin d'un nouveau contrat, c'est ça ?

Non, je suis un mec de séries (rires). Le début de saison est compliqué, je ne suis pas décisif. Et c'est ce que tu demandes à un attaquant. Tu regardes ses stats. Un mec pas forcément bon qui marque à tous les matchs, tu le gardes. Pas l'inverse. Je n'ai pas eu de blocage, mais inconsciemment, ça doit te travailler. Après, le coach me change de poste, milieu droit. Je n'ai plus ce besoin de buts comme un attaquant. C'est bête, mais ça joue sûrement. Et là, d'un coup, je me mets à marquer. Ça m'a libéré d'un poids et j'ai enchaîné.

Qui vient te voir quand t'es dans le dur ?

Les anciens, mais pas seulement, on échange pas mal entre joueurs. Et puis ça arrive de ne pas toujours être au top. J'ai fait ce que je fais toujours dans ces moments-là, je travaille. J'ai cette idée que tu peux avoir tout le talent du monde, si tu ne travailles pas, tu n'y arriveras pas. C'est pour ça que j'aime beaucoup un mec comme Cristiano Ronaldo. Malgré le talent qu'il a, c'est un bosseur de fou ! Moi, même en jeune, je n'ai jamais été le meilleur. Quand j'arrive à Nîmes à 14 ans, je ne savais même pas jongler ! Mais de tous, j'étais le plus bosseur. Je restais après les entraînements avec mon pote Thibault. Il me faisait des centres avec sa patte gauche. Je lui disais « dix minutes » ! Bon, on restait plus 30-40, mais aujourd'hui, ça paye ! (rires) Cette année, c'est pareil, quand je ne jouais pas trop, je prenais un sac de ballons et je taffais.

Tu le fais parce que tu aimes ça, parce que tu es perfectionniste, ou parce que tu n'avais qu'une idée en tête, devenir pro ?

Les trois ! Déjà, c'est con, mais, en tant qu'attaquant, c'est normal de travailler devant le but. Encore une fois, je pars du principe que si on ne travaille pas, on n'y arrive pas.

À 23 ans, tu parles déjà comme un ancien...

Comme beaucoup, j'ai toujours voulu être joueur pro. Mais à 17-18 ans, quand tu es à l'IUT, que tu joues pour t'amuser et que tu signes un contrat stagiaire, tu sens que tu te rapproches du truc. Tu te dis merde, je peux gagner des sous avec le foot, je ne suis pas loin.

C'est pour ça que tu te fais virer de l'IUT ?

(rires) Qui t'a dit ça ?

Ton père, dans une interview pour France 3...

Putain, je te jure, mon père, la honte. Il m'a tué quand il a fait cette interview. Oui, je me suis fait virer. Ils m'ont proposé le redoublement, et je n'ai pas voulu. Hormis dans le foot, je n'ai jamais forcé pour rien, je faisais tout le temps le minimum, pour avoir 10. Le foot, je travaille pour avoir 20, voire plus. Je me suis dit, j'ai le bac, si je dois recommencer quelque chose, je le ferai. Là, je donne tout pendant deux ans sur le foot. Mes parents font un peu la gueule, mais depuis tout petit, j'avais un pacte avec eux. Je continuais jusqu'au bac, et après on verrait. Là, je suis si proche que même eux me disent de continuer. J'étais en 19 nationaux, et rien ne me garantissait une place en pro dans les années qui suivaient, mais j'étais obligé de foncer.

Quel est ton style de jeu ? Thibault Vals, ton coéquipier, parle de toi comme d'un travailleur... C'est pas souvent un compliment quand on est un joueur offensif..

C'est pas un bon signe, non, mais c'est un peu ça, pourtant (rires). Je fais beaucoup d'efforts sur le terrain, j'attaque, je défends. Ça peut me faire perdre de la lucidité, mais j'ai besoin de ça pour être dans mon match. Si pendant un match je fais moins d'effort, je suis moins bon. J'ai besoin de rythme.

On a la vidéo de ton premier but, où tu ne manques pas de lucidité. Enfin si, sur la célébration...

Je vais avoir besoin d'un avocat pour me défendre là-dessus (rires). Pour le but, je voulais être sûr de marquer, donc je suis rentré dans la cage avec le ballon ! C'était mon 3e match en pro, j'entre en jeu et le score était acquis. Pour la célébration, ça ressemble à la danse du calamar ! J'étais tellement content de marquer, il fallait que je fasse quelque chose, sinon je continue de courir jusque dans les tribunes !

Tu es meilleur sur les célébrations maintenant ?

Je me suis amélioré, oui ! J'ai bien glissé sur les genoux contre Lens récemment. J'ai aussi une célébration en réserve que je ne peux pas dévoiler. Je ne l'ai pas faite contre Évian, car j'ai tellement l'habitude de marquer en ce moment que je ne célèbre plus ! (rires) En vrai, c'est la folie de marquer un but.

En plus, t'es la petite coqueluche des Costières cette année, tu es jeune, tu marques, le club remonte bien.

Quand tu marques et que les gens scandent ton nom, c'est magique. Ce n'est pas que pour moi. Quand ça joue, t'es dans le match, mais pendant les arrêts de jeu, le public chante, tu regardes les tribunes et tu te dis, c'est pas mal quand même. Il y a vraiment une superbe ambiance aux Costières. Et encore, ce n'est pas un grand stade. À Lens par exemple, c'est fou.

Si on revient en décembre pourtant, tu ne joues plus, ton contrat se termine, qu'est-ce que tu te dis ?

Je suis passé par toutes les émotions. Dès le début de saison, je sais que mon contrat prend fin. Donc je me dis que je vais tout mettre de mon côté. Je fais du travail en plus à côté des entraînements. J'ai fait de la sophrologie, une sorte de coaching mental, avec, si je peux la citer, Virginie Valette. J'ai fait des séances de muscu en plus. Je n'avais pas un staff, mais presque en fait. Même un deuxième kiné, parce que celui du club est seul, pour vingt-cinq joueurs. Donc si tu veux avancer, c'est à toi de démarcher de ton côté.

C'est un peu à l'opposé de ce que l'on entend sur les Français dernièrement, que ce soit Bielsa, Ancelloti, Fletcher. Qu'est-ce que tu en penses ?

Il ne faut pas généraliser, mais le foot, c'est tellement un milieu où tout arrive si vite. Un mec de dix-huit ans ne se rend pas toujours compte quand il passe de stagiaire à pro. Même moi, j'ai peut-être mis deux-trois ans à me dire, merde, c'est mon taff, c'est à moi de faire les démarches en plus, d'y aller. J'ai tout commencé cette année. Le foot, c'est un métier, ton corps c'est ton outil de travail. À toi d'être en condition, à 100%. Je l'ai peut-être fait quand j'étais un peu en danger. C'était maintenant ou jamais. Après c'est vrai que l'image du foot n'est pas bonne, y a un ras-le-bol du public, y a moins de monde dans les stades. C'est un tout. Depuis 2010, le moindre truc est amplifié. C'est à nous les footballeurs de montrer l'exemple et d'être vigilants. On est sensibilisés, mais la démarche doit venir de nous.

Bon, c'est ton métier, mais y a quand même un bonne ambiance dans le vestiaire, qui sont les plus gros déconneurs ?

Ce sont les deux gardiens, Mathieu Michel et Gauthier Gallon. Ils parlent tout le temps, on n'entend qu'eux. Ils mettent aussi la musique dans le vestiaire. Et attention au scoop, y a du Jul à Nîmes ! Franchement, y a ces deux ambianceurs et on est beaucoup à être ambiancés ! On avait un super groupe cette année, et ça se voyait sur le terrain. Quand t'as un pote devant, un pote derrière toi, tu te défonces pour eux.

Il y a une bonne dynamique sur cette fin de saison, ça peut suivre l'an prochain ?

Personnellement, j'ai prolongé deux ans, donc j'espère bien ! Si on garde l'ossature, et qu'on surfe sur la dynamique, l'équipe a du talent. On ne va pas brûler les étapes, car on sait qu'il y a six mois, on était au fond du trou, mais l'équipe peut faire quelque chose. On s'est beaucoup battu cette saison, mais comme l'a répété le coach, on n'aurait rien fait sans talent.

Ça pourrait vous amener en Ligue 1, le club et toi. Tu avais d'ailleurs des touches pour sauter le pas avant de prolonger...

J'avais des contacts oui, avec mon agent. Des clubs de Ligue 1 en place, des clubs qui montent. Mais je n'avais rien de concret, et mon objectif, c'était Nîmes. C'est le meilleur choix sportif. Ça fait plusieurs semaines qu'on était en discussion, et là, on a signé (un contrat de deux ans, ndlr). Je ne voulais pas attendre. Et je voulais continuer l'aventure avec Nîmes. Il y a un bon projet au niveau du club, on peut faire quelque chose de bien ici. De toute façon, je n'ai pas de plan de carrière, tout va si vite, regarde où j'étais il y a six mois. J'aimerais un jour jouer plus haut, ou à l'étranger, bien sûr. Mais je regarde le présent, et le présent, c'est Nîmes.

Tu as regardé combien tu valais sur Transfertmarkt ?

Treize chèvres et un veau ! Si tu as une ferme, ça vaut le coup (rires). Je crois que je vaux 300 000.

Quand tu commences à être pro, est-ce que tu te regardes dans les jeux vidéo, que ce soit à FIFA, à Football Manager ?

Je me suis pris une fois à FIFA, mais je suis trop nul, j'ai arrêté en cours de match, pour te dire. J'ai 50, je fais des contrôles à l'américaine, le fameux contrôle-passe (rires). Mais je suis sur mon banc dans FUT. Juste parce que je joue avec un pote à moi, qui veut que je me mette, il a fait le forcing. Mais pareil, je suis mauvais, donc je me fais jamais jouer ! C'est marrant de se voir.

Question réseaux sociaux, t'es sur Twitter ?

Oui, je me lâche un peu, j'aime bien le concept, y a pas mal de conneries, ça me fait rire. Je prends exemple sur Pierre Bouby (joueur à Orléans, dont le compte Twitter compte 18 000 abonnés, et qui participe parfois aux Grosses Têtes, ndlr). C'est le chef de Twitter. Je le connais, j'ai joué avec lui en National. C'est un génie ! Ça chambre, on rigole, mais je ne suis pas encore à son niveau, je n'ai que 800 abonnés !

Vous êtes sensibilisés par rapport à ça dans les clubs, pour ne pas dire de conneries justement ?

 

Non, sur les réseaux sociaux, on n'en parle pas trop, après je sais de moi-même qu'il faut faire attention. On l'est plus sur les paris sportifs par exemple. Les clubs et l'UNFP nous sensibilisent. Avant je pariais, maintenant plus. Je n'ai pas le droit de parier sur le foot français par exemple.

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Stanislas Golinski
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Stanilas Golinski quand il avait 80 ans, toujours fidèle à Nîmes
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