Nîmes Olympique vu du côté de Strasbourg

 

S’il n’a pas connu les temps héroïques de l’avant-guerre – existait alors le SC Nîmes, jusqu’en 1937 –, le Nîmes Olympique appartient au premier cercle des clubs français quant au nombre de saisons disputées en première division, partageant avec le Stade Rennais et le Football Club de Metz la désagréable condition de club jamais couronné. Avec 33 saisons dans l’élite, les Gardois naviguent loin des Bretons (59) et de Lorrains (58), mais leur dernière présence à ce niveau date d’il y a plus de vingt-cinq ans. En outre, Rennes et Metz ont chacun soulevé deux Coupes de France, contre aucune pour le Nîmes Olympique.

Ce constat de prestigieuse déveine étant posé, intéressons-nous à quelques personnalités marquantes du NO. Le club a consommé peu d’entraîneurs, mais partage la caractéristique avec le Racing d’avoir fait plusieurs fois confiance aux mêmes personnes, à travers les générations.

C’est le cas de Pierre Pibarot et Marcel Rouvière : tacticien d’avant-garde, le premier est l’artisan de la promotion de Nîmes en 1950 (grâce aux 27 buts de l’Alsacien Edmond Haan, prêté par le RCS), puis de sa stabilisation. Le second a joué sous les ordres de Pibarot, avant de se tourner vers une carrière de formateur, entrecoupée de passages à la tête de l’équipe première comme pompier de service. Rouvière façonna entre autres les jeunes Michel Mézy, Louis Landi et René Girard, il s’éteignit le jour d’un Strasbourg-Nîmes en 1975 (0-1, but de Girard).

Mais la réputation du Nîmes Olympique reste surtout attachée à la figure de Kader Firoud. Arrivé de Saint-Etienne en 1948, cet Oranais devient capitaine de l’équipe et gagne même ses galons d’international sur le tard, juste avant de fêter ses 32 ans. Victime, en 1954, d’un grave accident de voiture sur la route de la Suisse, alors qu’il s’apprêtait à assister à un match de la Coupe du monde, Firoud est contraint de stopper sa carrière. 

L’année suivante, l’ancien demi-aile prend la succession de Pibarot et fait de Nîmes le challenger du grand Reims d’Albert Batteux. Le trio d’avants Akesbi - Skiba - Rahis – un Marocain, un Germano-polonais international français et un Européen d’Algérie – fournit un potentiel offensif dans les standards de l’époque. Mais Nîmes bute sur la deuxième marche du classement trois saisons de suite : devancé par Reims en 1958 et 1960 et par Nice en 1959. Les Languedociens perdent également en finale de la Coupe de France 1958 contre Reims, puis en 1961 contre Sedan !

Sans doute abattu par ces revers, Kader Firoud rejoint Toulouse en 1964. Il signe une excellente saison 1965-66, avec une quatrième place en championnat synonyme de Coupe d’Europe et une demi-finale de Coupe de France. Toulouse s’incline alors face au futur vainqueur strasbourgeois après avoir mené durant toute la rencontre. Mais un an plus tard, ce TFC, premier du nom, dépose le bilan. 

Firoud retourne alors dans le Gard, où la relégation de 1967 a coupé l’élan du Nîmes Olympique. Il relance la machine, avec une nouvelle place de dauphin en 1972 et les premiers matchs européens du club : deux éliminations prématurées contre Setubal puis les Grasshopper de Zurich, à une époque où gagner un match s'apparentait un exploit homérique pour un club français. 

Nîmes s’appuie sur son terroir : Jacques Vergnes, Michel Mézy, Jacques Novi, René Girard, Bernard Boissier… sont tous originaires de la région, tous termineront internationaux français. Mais Kader Firoud déniche également quelques perles lointaines, comme Jean-Pierre Adams ou les Martiniquais Daniel Charles-Alfred et André Kabile, deux solides gaillards en défense.

La fin des années 1970 est plus délicate : Firoud prend progressivement du recul, remplacé par son ancien défenseur Henri Noël. Malgré le Brésilien Luizinho, l’avant-centre Gilbert Marguerite ou les jeunes méridionaux Patrick Cubaynes et Christian Perez, dernières promesses de la formation nîmoise, le club finit par tomber en 1981. 

Pierre Barlaguet, autre disciple de Kader Firoud, parvient à faire remonter Nîmes en 1983, mais pour une seule saison. Renforcés par le Danois Nygaard et l’Alsacien Rémy Gentès, Cubaynes, Morisseau et Perez manquent de bouteille et finissent les joues rosées, la faute à 19 revers. 

Le Nîmes Olympique rechute dans le marécage de la D2 à deux groupes des années 1980, coupe-gorge où frayent de gros poissons assoupis – Saint-Etienne, Lyon, Reims –, des ambitieux aux dents longues (le voisin pailladin, Mulhouse, Cannes) et de pittoresques semi-amateurs (Chaumont, Abbeville, Le Puy…). Il n’en sortira que très difficilement.

Entretemps, l’entrepreneur Jean Bousquet, créateur de la marque Cacharel, a pris le contrôle du club. Il en fait un marchepied vers la conquête de la mairie de Nîmes en 1983, reprenant un schéma maintes fois vu à l’époque, à Tours, à Strasbourg, qui voit un homme politique de premier plan présider un club de football. Bousquet n’a ainsi guère de difficulté à accélérer l’édification d’un nouveau stade, inauguré en 1989. Ce stade des Costières remplace l’antique enceinte Jean-Bouin, son architecture se veut moderniste, mais il fera rapidement les frais de l’évolution des normes de sécurité.

Malgré ces investissements, Nîmes reste englué en D2. Bousquet se tourne alors vers ceux que la presse appellera les « enfants de Kader Firoud » : Girard revient terminer sa carrière en 1988, Jacky Novi prend des responsabilités au centre de formation l’année suivante, tandis que Boissier et Barlaguet s’échangent l’équipe première. Mais il faut attendre 1990 pour qu’une réelle dynamique souffle sur Nîmes. Le Nîmois le plus capé en Equipe de France – 17 sélections entre 1970 et 1973 –, artisan des succès du voisin montpelliérain dont le dernier en Coupe de France, retourne chez les Crocodiles. Il s’agit évidemment de Michel Mézy, dont le départ subit et subi déchaîne les foudres de Louis Nicollin et attise la rivalité régionale entre les deux clubs.

Manager général, Mézy compose une équipe à forte coloration argentine, parmi lesquels le champion du monde 1986 Cuciuffo et le buteur Jorge Dominguez. Il s’appuie également sur quelques grognards du foot français : Vincent Bracigliano, Jean-Louis Zanon, Gérard Bernardet. Opposé à Valenciennes, Alès et Strasbourg, Nîmes prend la tête de la poule à la trêve pour ne plus la lâcher.

L’intersaison 1991 est synonyme de grands espoirs dans le Gard. L’arrivée du sponsor Catavana permet un recrutement haut de gamme, constitué de nombreux internationaux expérimentés : le Tchécoslovaque Dusan Tittel, Jean-Claude Lemoult, William Ayache, Philippe Vercruysse(triple champion en titre avec l’OM), et surtout Eric Cantona. Le volcanique attaquant arrive avec le statut de vedette incontesté, ce qu’il n’était pas à l’OM qui le prêta successivement à Bordeaux puis Montpellier. Avec une telle équipe, Nîmes se prend à rêver d’un retour au sommet (ou au moins, à la deuxième place).

Mais rien ne se passe comme prévu. Malgré sept matchs sans défaite en fin d’été, les Crocodiles naviguent dans le ventre mou. Un revers cuisant5-0 à Toulon est fatal à l’entraîneur argentin Romeo, remplacé par René Girard. Le président Bousquet prend du recul et laisse la présidence à Michel Mézy. Surtout, la tête de gondole du recrutement perd les pédales contre Saint-Etienne : mécontent d’un coup de sifflet de M. Blouet, Eric Cantona ramasse le ballon et le balance en direction de l’homme en noir. Ce dernier expulse Cantona, qui dans la foulée annonce l’arrêt de sa carrière. Nîmes boucle péniblement la saison à la 15ème place.

Refroidis par cet échec, les dirigeants réduisent la voilure, la société Catavana ne tardant pas à déposer le bilan. Débauché du voisin Alès, le nouvel entraîneur Léonce Lavagne ne passe pas l’hiver, remplacé par son président Mézy. Malgré le renfort de l’enfant du pays Laurent Blancet de Didier Monczuk, la saison 1992-93 tourne au cauchemar pour Nîmes, qui ne décroche que trois victoires. Strasbourg s’imposera 6-2aux Costières, match marqué par le fameux slalom de Pascal Baills.

Le Nîmes Olympique bute ensuite à la 4ème place de D2 avant d’inaugurer la malédiction du recalé relégué la saison d’après. On retrouve Pierre Barlaguet aux commandes d’une équipe inexpérimentée (Jeunechamp, Ecker, Vosahlo) en finale de Coupe de France 1996, après avoir sorti Saint-Etienne, Strasbourg et Montpellier. Mais Laurent Blanc, faux frère, puis Laslandes anéantiront le rêve gardois. La saison suivante, toujours en National 1, Nîmes aura les honneurs de la Coupe des Coupes et fera mieux que dans les années 1970, en sortant le mythique Budapest Honved puis butant contre l’AIK Solna. 

S’en suit une alternance entre deuxième et troisième division, sans vraiment d’autre alternative que de sauver sa peau ou de remonter. Entre 2002 et 2008, Nîmes croupit ainsi en National. Plus récemment, le club se fait une spécialité d’engager des entraîneurs rompus à l’échec : Tosi, Froger, Zvunka, Pasqualetti. 

Finalement un événement hors du commun sort les Crocodiles de leur quotidien presque insignifiant. Epinglés pour une affaire de matchs truqués, les Gardois démarrent l’exercice 2015-16 avec huit points de pénalité. Après avoir fait le ménage parmi les actionnaires, ils décrochent leur premier succès lors de la 9ème journée, quittent la place de lanterne rouge après la 21ème journée puis la zone rouge à la 23ème journée. Une sorte d’union sacrée a prévalu, le public a retrouvé le chemin des Costières (de 5027 à 6896 spectateurs de moyenne, avec une pointe à 14878 contre Lens au printemps).

Toutefois, Mounié, Cordoval, Koura, Maoulida et le gardien Michel, soit peu ou prou  les cinq meilleurs joueurs de la saison écoulée ont quitté le Nîmes Olympique cet été et les soufflés sportif et populaire risquent de retomber rapidement. 

Ancienne place forte du football hexagonal, le Languedoc ne peut plus compter que sur Montpellier, avec les enlisements de Sète et Alès. Nîmes fraye entre ces deux niveaux, entre l’anonymat du bas de tableau de D2 et le soulagement d’avoir toujours sa place à la table des professionnels.

 

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Stanislas Golinski
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Stanilas Golinski quand il avait 80 ans, toujours fidèle à Nîmes
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