« J’étais un petit con », les années lilloises de Pascal Plancque

 

Ce dernier revient sur sa période de joueur (1980-1987) où son talent lui aurait prédit une meilleure carrière. Puis Yohan Cabaye et Mathieu Robail évoquent sa période en tant qu’entraîneur de l’équipe réserve où il a contribué au succès d’une belle génération.

Chez les Plancque, le football c’est dans les gènes. "Mon papa était footballeur amateur d’un très bon niveau. Avec mon frère, on l’accompagnait à tous les entraînements et les matchs, on a été bercés là-dedans", explique Pascal Plancque. Ce dernier est né le 20 août 1963 à Cherbourg mais c’est à Calais qu’il grandit avant de déménager près de Lille en lien avec l’activité professionnelle de son père, "linotypiste à la Voix du Nord". Un métier qui consistait à composer et à fondre les caractères d’imprimerie par lignes.

Un signe que quelque part Pascal était voué à travailler avec les médias. Il tape dans ses premiers ballons au petit club de Lambersart avant d’intégrer le centre de formation de Lille à 15 ans. "À cette époque, j’étais un supporter de Saint-Étienne, ma chambre était toute verte. J’habitais à seulement quelques kilomètres du centre, j’allais en mobylette aux entraînements et je rentrais ensuite chez papa, maman car j’y étais bien mieux." Ironie du sort, c’est face à l’ASSE qu’il dispute son premier match en professionnel (D1) à seulement 17 ans. Devant plus de 30 000 personnes au stade Geoffroy-Guichard, Michel Platini et les siens s’imposent 3-1.

Il faut attendre quatre saisons pour que le Normand s’impose dans cet effectif qui vacille entre le ventre mou et le dernier quart du championnat. "J’étais catalogué comme un joueur créatif. Un numéro 10 avec de la vivacité et du dribble", détaille Pascal quand on lui demande de se décrire en tant qu’un joueur. En sept saisons sous le maillot nordiste (de 1980 à 1987), il évolue notamment aux côtés de son frère aîné Stéphane* ou encore avec Thierry Froger, ancien entraîneur nîmois (2011-2012), et dispute au total 108 matches en première division pour 10 buts marqués. Une période où il affrontera une seule fois Nîmes Olympique au stade Jean-Bouin, le 16 novembre 1983. Les deux équipes s’étaient neutralisées sur le score de 2-2.

"J’étais un petit con, très immature. J’ai beaucoup manqué de rigueur et de discipline. Ce qui m’intéressait c’était de jouer au foot. Après en dehors, j’aimais bien passer du bon temps avec mes potes, je ne faisais pas toujours les sacrifices. Je me reposais sur mes qualités", poursuit l’actuel coach des Crocos en évoquant son comportement. Avec davantage de sérieux, il aurait pu prendre une autre trajectoire et viser plus haut. "J’ai eu pas mal de blessures, notamment une rupture du tendon d’Achille, qui sont certainement la conséquence de ce manque de rigueur", complète-il. L’hygiène de vie a toujours une place importante dans la carrière d’un sportif de haut niveau.

Mais l’ancien meneur de jeu ne regrette pas son parcours, "je suis très fier de ma carrière de joueur même si je ne suis pas allé au bout de mes qualités de joueur hyper doué mais c’est comme ça. J’ai fait des conneries mais j’en ai tiré les leçons. J’ai travaillé dans l’ombre et tout ce que j’ai fait, je ne le dois à personne." Le Dogue jouera ensuite à Auxerre, Laval et Pau. C’est d’ailleurs dans les Pyrénées-Atlantiques qu’il débute sa carrière d’entraîneur en National avant de retourner à l’AJA en tant qu’éducateur au centre de formation. "C’était une super structure mais avec Guy Roux tout était planifié à l’avance. C’était répétitif et je n’y trouvais pas mon compte."

Alors il décide de répondre favorablement à l’appel de Jean-Michel Vandamme, son ancien coéquipier et directeur du centre de formation du Losc. L’ancien joueur se retrouve en charge de l’équipe réserve à partir de la saison 2002/2003. Parmi les jeunes joueurs en devenir, Yohann Cabaye, qui vient tout juste de mettre un terme à sa carrière à 35 ans. "Je repense à tout ce qu’il a fait pour moi, l’aide qu’il m’a apporté. Ces séances d’entraînement étaient fantastiques avec une grosse rigueur sur le terrain mais aussi des moments de rigolade. C’est ce qui fait toute son intelligence, d’être à la fois strict et relâché", commente l’ancien milieu passé également par Newcastle ou encore le PSG.

Sous les ordres aussi de ce formateur à la même époque, Mathieu Robail, joueur du NO de 2012 à 2015, est encore plus dithyrambique : "C’est l’un des meilleurs coachs que j’ai eu. Il avait cette facilité à être sérieux et assez détaché en dehors du terrain. J’en garde un très bon souvenir." Les mêmes qualités qui ressortent, celles d’un entraîneur juste et ouvert, toujours prêt à écouter les problèmes des uns et des autres dans un moment crucial pour ces jeunes pousses à la porte du monde professionnel. Tous les joueurs de cette époque auraient-ils le même discours positif ? "Je pense que sur dix joueurs, neuf diraient la même chose", assure celui qui a porté à 48 reprises le maillot de l’équipe de France. "J’ai entendu Adil Rami dire des éloges du coach Plancque, ça veut tout dire", complète Mathieu Robail.

Un homme apprécié qui a façonné une génération dorée composée notamment de Cabaye, Debuchy, Rami, Chedjou qui deviendront champions de France en 2011, deux ans après le départ du club de Pascal. "Pour la plupart c’était des gamins du cru avec une identification au maillot lilllois et une envie exceptionnelle de réussir. Autant il y a des joueurs qu’il faut stimuler, recadrer, autant eux je n’ai jamais eu à intervenir", se souvient le principal intéressé. Yohan Cabaye se rappelle néanmoins d’un petit coup de gueule lors de la mi-temps d’un match : "On était à la rue sur la première période. On est revenu dans le vestiaire, il avait barré tous les noms au tableau sauf Debuchy et il nous a dit : "je peux tous vous sortir, il n'y a que lui qui peut rester". Ça nous a mis la rage et on a gagné."

Pascal Plancque ferait donc partie de ces coachs qui marquent et dont on garde un souvenir attachant. "Je passe actuellement mes diplômes d’entraîneur et je m’inspire de lui. Ça m’a beaucoup peiné quand j’ai vu que ça ne marchait pas pour lui à Niort et Boulogne-sur-Mer", reprend Mathieu Robail qui a envoyé un sms à son ancien coéquipier Anthony Briançon pour lui dire qu’il allait apprécier être sous les ordres de PP. "Il agissait un peu de manière paternelle, il a été très important dans ma carrière. Et je suis très heureux qu’il ait un projet en Ligue 1, il le mérite", achève Yohan Cabaye qui dévoile un tic de son ex entraîneur. "Il avait toujours une bouteille d’eau pétillante qu’il secouait avant de boire." "C’est fou comme les joueurs peuvent être marqués par des détails. J’aime bien l’eau pétillante mais pas quand il y a trop de bulles", répond le technicien nîmois sur ce dossier.

Pour l’ancien Croco, son ex formateur peut guider Nîmes vers le maintien, "il est en train de décomplexer certains joueurs. Il arrive à enlever la pression, à dédramatiser la situation tout en restant connecté." Reste à savoir si cela suffira. Après cinq ans à la tête de l’équipe réserve en CFA (2002 à 2007), il est promu entraîneur adjoint de Claude Puel puis de Rudi Garcia les deux saisons suivantes avant de vivre d’autres expériences. "Ça fait quand même beaucoup d’années que je suis parti, le stade, le président, le staff, les joueurs tout a changé. Mais c’est un club qui me tient à cœur et qui représente énormément de choses. Ce qui m’excite c’est de faire un coup là-bas", conclut le Dogue devenu Croco.

Corentin Corger

* Sollicité, Stéphane Plancque n'a pas eu l'autorisation du Real Madrid pour s'exprimer. Il est observateur pour le club espagnol depuis 2016. Contacté, Thierry Froger n'a pas répondu.

Sa bio : Pascal Plancque. Né le 20 août 1963 à Cherbourg. Poste : meneur de jeu. Parcours professionnel, joueur : Lille (1980-87), Auxerre (1987-88), Laval (1988-90), Pau (1990-95). Entraîneur : Arin Luzien (1994-98), Pau (1998-99), Auxerre (U19, 2000-02), Lille B (entraîneur, 2002-07), Lille (entraîneur adjoint, 2007-09), Boulogne-sur-Mer (adjoint 2010/11 puis entraîneur 2011/12), Lens (centre de formation, 2012 à 2016), Southampton (adjoint 2016/17), Leicester (adjoint, 2017/18), Niort (entraîneur 2019-20), Nîmes Olympique (adjoint puis entraîneur 2021-).

Nommé vendredi suite à la mise à pied de Jérôme Arpinon, son ex-adjoint Pascal Plancque devrait finir la saison sur le banc du Nîmes Olympique. Malgré deux défaites pour ses débuts, ce dernier est très proche de ses joueurs et a tenté d'imposer sa patte dans le jeu des Crocos. Une méthode et une manière d'être qui ne datent pas d'hier. 

Joueur, Pascal Plancque était un numéro 10. Un technicien dribbleur et créatif. Un peu dans la veine de Yassine Benrahou qu'il a tenté de relancer dès son premier match à la tête du Nîmes Olympique. Rien d'étonnant alors qu'une fois devenu entraîneur, le natif de Cherbourg soit resté un adepte du jeu. "Je ne suis pas pour balancer devant et jouer les seconds ballons, expliquait-il en conférence de presse ce mardi. Il n'y a d'ailleurs plus beaucoup d'équipes qui jouent comme ça." 

Du côté de Niort, où il a connu son dernier banc de touche entre janvier 2019 et janvier 2020, Pascal Plancque a laissé le souvenir d'un coach offensif. "Chez nous, il a succédé à Patrice Lair qui était très fort dans les transitions entre la défense et l'attaque, raconte Karim Fradin, son président dans les Deux-Sèvres. Pascal proposait un jeu plutôt basé sur la possession." 

Et il n'est pas du genre à changer son fusil d'épaule lorsque les résultats ne suivent pas. "Il a débuté par une quinzaine de matches sans victoire mais il n'a jamais voulu bétonner la défense pour autant, abonde Denis Jumeau, journaliste au Courrier de l'OuestQu'importe les difficultés, il a toujours prôné un jeu offensif." Avec des Nîmois en manque de confiance, Pascal Plancque croit là encore à la thérapie par le jeu et tente d'imposer sa patte.

Ces dernières semaines, les Crocos ont plus souvent tenté de repartir de derrière. Une stratégie qui a donné lieu à quelques bonnes séquences contre Monaco (3-4) et au but de Duljevic face à Nice (1-3) ce mercredi. Mais aussi à des cadeaux offerts à l'adversaire comme contre Marseille, Angers ou Paris. "Pascal Plancque est quelqu'un qui a des principes de jeu et qui les conserve même si les joueurs n'ont pas les qualités techniques pour les développer", analyse Michel Estevan, qui l'a eu comme adjoint à Boulogne-sur-Mer en 2011.

Car avant et entre ses expériences d'entraîneur principal, Pascal Plancque a souvent brillé dans des rôles moins exposés. Le plus notable est probablement celui d'adjoint de Claude Puel pendant plusieurs saisons à Lille, Southampton et Leicester. Une dernière collaboration qui s'est mal terminée puisque les deux hommes sont aujourd'hui en froid. Le nouveau coach nîmois a aussi longtemps exercé auprès des jeunes de la réserve de Lille et du centre de formation de Lens. "Je l'avais recruté pour insuffler des idées nouvelles dans nos équipes de jeunes et sortir du jeu stéréotypé que l'on voyait dans toutes les académies, se rappelle l'ancien directeur sportif des Sang et Or, Jocelyn Blanchard. C'était un précurseur, quelqu'un qui sait rechercher le geste efficace. Par son expérience et ses compétences, il a fait progresser nos éducateurs et mis en place de nouveaux principes de jeu." 

Partout où il est passé, Pascal Plancque a aussi instauré une relation de proximité avec ses joueurs. "Malgré des résultats en berne, il était très apprécié par le vestiaire des Chamois niortais", abonde Denis Jumeau. Une manière d'être qui, paradoxalement, a pu créer des conflits avec certains entraîneurs qu'il assistait. "On attend d'un adjoint qu'il fasse tampon quand ça ne se passe bien avec un joueur. Lui, il faisait l'éponge, image Michel Estevan. Il était trop dans la connivence avec l'effectif et ça desservait l'équipe." 

Le nouveau coach des Crocos préfère quant à lui insister sur sa volonté de mettre les joueurs dans les meilleures conditions possibles. "Je veux qu'ils jouent libérés, a-t-il annoncé en conférence de presse. Je considère que je n'ai pas toutes les solutions à moi tout seul. Je ne suis qu'un outil au service du club." 

Une posture emplie d'humilité qui correspond bien au personnage. "C'est quelqu'un de timide et de réservé au premier abord, mais il est très ouvert et plein d'humour une fois la glace brisée, témoigne Denis Jumeau. Ce qui lui manque peut-être, c'est un peu de charisme et d'envergure pour s'imposer au sein d'un groupe. Il est sans doute trop effacé." 

Ces lacunes expliquent sans doute ses deux expériences à la tête d'équipes professionnelles qu'il qualifie lui même de "douloureuses". En 76 rencontres de Ligue 2 avec Boulogne-sur-Mer et Niort, Pascal Plancque n'a pris que 73 points. Une moyenne de 0,96 point par match qui est certes supérieure à celle de 0,68 de Jérôme Arpinon, mais qui serait sans doute largement insuffisante pour maintenir le Nîmes Olympique en Ligue 1.

"Il est arrivé chez nous dans contexte interne très compliqué avec un club divisé suite au départ de Patrice Lair, le défend Karim Fradin. Ce qui est certain, c'est qu'il a plus le profil d'un bâtisseur, qui a besoin de temps et de conditions favorables pour construire une équipe, que celui d'un pompier de service."  Dans le Gard, c'est pourtant dans l'urgence que Pascal Plancque devra réussir. Un succès auquel veut croire l'ancien président du RC Lens, Gervais Martel. "C'est quelqu'un de très consciencieux et je garde un très bon souvenir de notre collaboration, nous-a-t-il confié. À Lens, Franck Haise, qui est pourtant un inconnu pour le grand public, réussit des miracles. Quand on leur donne leur chance, les bons formateurs font souvent de belles choses à la tête des équipes professionnelles." 

Le Nîmes Olympique, qui doit une bonne partie de ses succès récents à Bernard Blaquart, en sait quelque chose. Pascal Plancque a quant à lui bien conscience qu'il ne pourra être jugé que sur ses résultats. Après deux échecs en Ligue 2, il a entre les mains une occasion inespérée de prouver dans l'élite que le costume n'est pas trop grand pour lui.

Boris Boutet le 11/12/2021

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Stanislas Golinski
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Stanilas Golinski quand il avait 80 ans, toujours fidèle à Nîmes
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