Dans les coulisses de l’incroyable saison du Nîmes Olympique

·        Constant Wicherek

Depuis la fin du championnat de Ligue 2, nous connaissons, les deux clubs qui grimperont dans l'élite la saison prochaine. Il s'agit de Reims et de Nîmes. Pour le club gardois, c'est un retour parmi l'élite qui le fuyait depuis 25 années. Focus sur la très belle saison nîmoise.

Lors de la 37e journée, au Stade des Costières, Nîmes a validé son ticket pour la Ligue 1, 25 années après l’avoir quittée. Pourtant, tout n’a pas été simple pour les Nîmois. Voici trois années maintenant, le club gardois débutait sa saison avec une pénalité de moins de 8 points pour une affaire de rencontres présumées truquées. Les finances n’étaient pas au beau fixe. « Une montée, ça se prépare oui et non. Il y a quatre ans, le club était dans le dur. On avait des dirigeants qui ont mis le club au plus mal. Et on était à -8 points il y a trois ans. On a réussi avec le groupe et les jeunes à sauver le club et redonner une bonne image au Nîmes Olympique. Peut-être, qui sait, le club serait mort sinon », nous explique Anthony Briançon, le défenseur du NO.

Pour aller dans le même sens, Renaud Ripart évoque aussi cette période difficile : « c’est énorme on ne s’y attendait pas aussi rapidement parce qu’il y a trois ans on avait commencé la saison avec -8 points, on avait une sale image et on a su renverser la tendance. C’est vrai, le club ça fait trois ans qu’il a une stabilité que je n’ai pas connue quand j’ai commencé avec les pros. L’entraîneur changeait quasiment tous les ans, les présidents se succédaient ». Tout ce travail de fond a été mené par une nouvelle direction emmenée par Rani Assaf, un homme d’affaires franco-libanais, patron du club depuis la mi-avril 2014.

Nouveau président et un parrain très connu

« Depuis que le président est là, il y a une forme de stabilité. On travaille au quotidien plus sereinement et ça se voit dans les résultats », explique Renaud Ripart avant de s’épancher un peu plus sur le supporter le plus connu du NO, le journaliste de RMC, Jean-Jacques Bourdin : « c’est quelqu’un qui est discret et qui nous a supportés toute la saison. Malgré son emploi du temps, il se débrouillait pour venir. Ça reste une personnalité et de le voir impliqué pour la montée c’est une motivation supplémentaire. Il a été très discret. Ce n’est pas quelqu’un qui se met en avant. C’est quelqu’un qui aime le Nîmes Olympique, c’est son club de coeur, il est très intègre ». Gaëtan Paquiez, le défenseur abonde aussi dans ce sens : « il était souvent là à l’extérieur et à domicile aussi. Il était très présent, après il n’a pas trop parlé. Mais parfois, il avait un mot pour le groupe, il était vraiment derrière le club. Il nous souhaitait bonne chance à tous les matches, à l’échauffement il était déjà sur le terrain, c’est vraiment un passionné ». Un témoignage aussi partagé par Anthony Briançon : « ils ont apporté de la sérénité au niveau du club. Je ne vais pas rester sur ce qui s’est passé avant, mais ils ont apporté de la sérénité sur le budget en remettant les compteurs à zéro. Ce qui n’était pas fait avant. Ils ont apporté ça et ça a fait beaucoup ».

Mais quel est le rôlé réel de Bourdin au club ? « Je suis un supporter, un supporter lucide, passionné, je l’aime depuis mes neuf ans. Je suis un supporter actif. Je suis conseillé sans avoir aucun titre au club. Je suis parrain du club enfin tout le monde me considère comme ça, mais j’ai toujours refusé d’entrer au conseil d’administration ou d’avoir un quelconque rôle tant que je fais le métier de journaliste. Je ne peux pas, j’ai un métier. Si un jour je m’investis plus, c’est que j’aurais ralenti ma vie professionnelle de journaliste. C’est envisageable un jour, mais je suis très investi. Je donne souvent des coups de main au club, je le représente quand il faut le représenter. Rani n’aime pas trop tout ce qui est représentation donc je le fais à sa place. Voilà où est mon rôle. Si je peux donner un coup de main pour un transfert, pour des sponsors. Je peux discuter avec les joueurs, mon rôle est là. Ce n’est pas un rôle officiel », nous explique le principal intéressé qui refusera tout au long de l’entretien qu’il nous a accordé de tirer la couverture à lui.

Bernard Blaquart, pierre angulaire du projet

Outre Jean-Jacques Bourdin, un autre nom revient sans cesse dans nos discussions avec les acteurs de cette formidable aventure, c’est celui de Bernard Blaquart, l’entraîneur du club gardois. « À chaque fois, il voulait qu’on redescende sur terre. Même quand on prenait trois points d’avance, il nous disait qu’il n’y avait rien de joué. L’inverse est juste aussi. À trois journées de la fin, si Ajaccio gagnait au Havre, ils nous repassaient devant et il nous disait que ce n’était pas grave puisqu’on avait notre match le lendemain et qu’on avait toujours notre destin entre nos mains. Il nous disait qu’il ne fallait pas paniquer. Il tempérait bien les choses devant la presse, il savait bien calmer les choses. Il nous a fait du bien puisqu’on était un groupe très jeune, il ne voulait pas qu’on s’enflamme », développe Paquiez avant que l’histoire ne soit complétée par Anthony Briançon : « il nous tempère beaucoup, il nous apporte beaucoup de sérénité. Il nous dit de ne pas nous enflammer et que le football va très vite. On savait que Brest avait 8 points d’avance à cinq journées de la fin et ils ne sont pas montés. Il nous garde au chaud en nous donnant quelques exemples ».

Précédemment éducateur au club, Bernard Blaquart s’est trompé une seule fois pendant la saison selon Jean-Jacques Bourdin : « on a commis une fois l’erreur de s’arrêter d’attaquer. On menait 2-0 contre Tours. Bernard fait rentrer un milieu et un défenseur et il enlève un milieu offensif et un attaquant et c’est la seule fois où on fait des erreurs puisqu’ils reviennent à deux partout. J’en ai discuté avec lui et il m’a dit "je suis allé contre mes principes de jeu et on a perdu deux points". Alors qu’on maîtrisait ce match largement. Franchement, je dis chapeau à Bernard qui n’a pas dérogé à ses principes même à l’extérieur sauf une seule fois ». Mais de tous les acteurs de cette histoire rencontrés, ce qu’on retient beaucoup du coach c’est sa manière d’avoir réussi à former un groupe.

Un mercato rondement mené et un groupe jeune, mais mature

En début de saison, le mercato passe par là. Il est mené par Laurent Boissier, le directeur sportif du NO. « Quand vous recrutez trois-quatre joueurs, vous n’imaginez pas qu’ils vont s’adapter aussi rapidement et apporter juste ce qu’il fallait. Le mercato a été rondement mené par Laurent Boissier avec peu de moyens. Tous les joueurs recrutés sont incontestables. Quand vous voyez l’intégration de quelqu’un comme Romain del Castillo qui s’est tout de suite intégré à cette équipe. Quand vous voyez ce qu’a apporté Pierrick Valdivia, un bon esprit, une connaissance du football de haut niveau qui a aidé les jeunes à progresser. Et Umut Bozok, au début on a eu peur qu’avec Rachid Alioui, ça se passe mal. Qu’il voit arriver un rival pour marquer des buts à la pointe de l’attaque. Rachid a compris, même si ça n’a pas été facile au début, la complémentarité allait servir aux deux. On termine aux deux premières places des meilleurs buteurs du championnat, je me demande si c’est déjà arrivé. A eux il marque 41 buts sur la saison. C’est incroyable », avance le journaliste. Et après ces petits ajustements, il fallait s’occuper du groupe.

Beaucoup d’éléments de l’effectif qui a fini deuxième de Ligue 2 ont été formés au club à cause des problèmes du passé. « Avant tout c’est un groupe généreux. On l’a vu sur le terrain on était parfois moins bien, mais dans l’envie on était toujours là. Il y a que des bons mecs, il n’y a pas de tricheurs. On a toujours essayé de donner le maximum sur le terrain. La générosité c’est ce qui nous a fait basculer dans le positif dans certains matches. C’est ça le plus important », philosophe Ripart avant d’être rejoint par Gaëtant Paquiez : ça fait deux trois ans que le coach a les mêmes joueurs et qu’il souhaite les garder, on a cette fougue. Par exemple, le match contre Clermont, il y a 1-1 et pour nous c’était comme une victoire puisqu’on savait qu’après il fallait gagner contre le Gazélec à la maison. On se retrouve à la 85e minute, il y a moi à gauche et Sofiane (Alakouch, ndlr) à droite et on attaque tous les deux. Le coach a dit qu’on était fou. Mais c’était comme ça, on ne calculait pas, on jouait tous les matches pour la gagne. C’est ce qui a fait notre force aussi depuis deux-trois ans. « C’est une force, je n’ai jamais vu ça, pourtant j’ai été journaliste sportif. Je n’ai jamais vu ce genre d’état d’esprit. Ils ont gardé à la fois leur enthousiasme de jeunesse et ils sont en même temps très matures et Bernard Blaquart y est pour quelque chose », conclut ainsi Bourdin.

Ils n’ont jamais douté

Après de très beaux six premiers mois, le NO connaît un mois de janvier extrêmement compliqué sur un plan comptable en Ligue 2. « Non on n’a pas douté, mais c’est vrai que parfois on se disait : "là on a fait les cons, si on gagnait on prenait les trois points et donc deux points de plus". À la 30e journée, on se disait qu’au lieu d’avoir trois points d’avance on aurait pu en avoir huit ou neuf. Mais bon, c’était pareil. La saison a été faite de haut et de bas. Et sur notre coup de mou, tous les autres l’ont eu au même moment à part Reims. C’est tombé au bon moment, ce n’est pas revenu sur nous, on a pu avoir notre destin entre nos mains jusqu’au bout », explique Paquiez. « Honnêtement, on n’a pas douté. On a eu une période très difficile au mois de janvier. C’est vague encore parce que beaucoup d’équipes l’ont eue au même moment. On a fait six mois à la deuxième place on n’avait pas de raison de douter. On a eu cette période qui aurait pu nous mettre dedans mentalement, mais on a su ressortir indemne en gardant notre deuxième place. Ça nous a permis de finir, pas en roue libre, ça a été difficile puisqu’Ajaccio nous a tenus longtemps et ça a été difficile. Mais on a tenu. Ce n’est pas facile d’être le chassé, c’est plus facile d’être le chasseur », prolonge de son côté Briançon.

De son côté, Renaud Ripart trouve des explications à ces moments de moins bien. « On avait fait une tellement belle première partie de saison que tout le monde s’attendait à ce qu’on continue comme ça puis est arrivé le mois de janvier. On a joué six matches en quinze jours. On a joué tous les trois jours, on avait une journée en retard, une journée programmée en milieu de semaine, de la Coupe de France avec le match de Saint-Étienne, c’était un tas de choses qu’on s’est retrouvé physiquement moins bien. On a lâché des points, mais on n’était pas plus inquiets que ça. On savait que dans tous les cas on allait avoir une période de moins bien, mais c’était mieux qu’elle arrive en janvier plutôt qu’en avril. On a vu au final qu’on a fini la saison très bien donc c’est positif », explique le joueur qui a parfois dû dépanner arrière latéral gauche. Mais si les Nîmois n’ont pas douté, c’est aussi parce qu’ils ont bien passé les moments charnières.

Paris FC, match charnière de la saison

Lorsqu’il a été demandé un déclic, les joueurs contactés ont répondu unanimement que c’était la rencontre contre le Paris FC, qui les chasse alors. « C’est un petit tournant de la saison. Gagner ce match sur le fil, surtout sur une période où on était pas super bien, ça nous fait enchaîner sur cinq ou six victoires. C’est un des tournants de la saison. Quand tu gagnes des matches comme ça à la dernière minute, c’est toujours plus qu’une victoire. Après t’es gonflé à bloc, t’es au taquet. Il vaut mieux gagner des matches comme ça, en étant mené, en ratant un penalty et en gagnant à la dernière minute que quand c’est trop facile. On prend beaucoup de plaisir dans la souffrance. Plus le combat est dur, plus la victoire est belle », avance Ripart. « C’est un tournant, on marque à la dernière seconde. Si mes souvenirs sont bons, c’est le seul qu’on gagne à la toute fin. C’est un déclic. On met Paris à six points, on gardait notre deuxième place. C’est un déclic de la saison », avance plus directement Briançon.

Pourtant, Jean-Jacques Bourdin, lui, vu de l’extérieur, ne voit pas les choses tout à fait comme ça. Ou plutôt pas uniquement comme ça. « Bien sûr que j’étais au stade contre le Paris FC. C’est l’un des tournants, il y en a eu d’autres. Il en est un parce que ça a été difficile contre une équipe qui était en confiance, qui jouait gros. Physiquement, ils nous ont imposé un rude combat. C’est un match qui ne s’est joué à rien et là ils ont été chercher la victoire. On gagne ce match. C’est l’un des tournants de la saison. Je pense que quand on a pris 5-1 contre Niort à la maison en octobre c’est aussi un des tournants. Parce que quand vous prenez cinq buts à un contre Niort, qui n’est pas la meilleure équipe de Ligue 2, mais qui ce soir-là a fait un très bon match, ça vous remet en question. Ça vous permet de réfléchir à ce que vous avez fait, le comportement que vous avez et cette défaite les a remis dans le droit chemin. Après il y a une série de bons résultats. On a fait plusieurs séries de quatre, cinq bons matches d’affilée. On a fait très peu de matches nuls, avec la victoire à trois points, c’est très bien, Bernard le dit tout le temps et il a raison : "moi je préfère perdre deux fois et gagner une fois que faire trois matches nuls". Ce sont des éléments qui ont contribué à tout ça. Je pense que le premier match contre Reims, qu’on doit gagner, qu’on perd un but à zéro à la maison, Nîmes. On fait un très beau match, on tire trois fois sur les poteaux et Reims marque en deuxième période. On doit gagner ce match. Je pense que tout le monde, les remplaçants compris et ceux qui arrivaient ont compris qu’il y avait le potentiel pour faire une très belle saison. Donc, il y a eu ces matches-là, celui contre le PFC et quand même le match de Clermont. On est mené 1-0 et Briançon retourne la situation presque à lui tout seul. Il fait une intervention défensive exceptionnelle et va marquer son but de la tête », explique le natif de Colombes.

La liesse dans les arènes de Nîmes

C’est donc tout cela qui a permis au NO de valider son accession en Ligue 1. Leur précieux sésame a été délivré à l’issue de cette probante victoire face au Gazélec Ajaccio, chez eux (4-0). « Les nerfs ont lâché après le match du Gazélec. Avant on était dans l’attente. On ne savait pas si on allait monter. On voit comme c’est difficile avec les barrages avec Le Havre, Ajaccio et Brest. Il nous fallait cette seconde place et on s’est donné les moyens de la gagner. Après c’est la joie absolue. Il y a des pleurs. J’ai encore l’image d’Umut en pleurs. Ce n’est pas quelqu’un formé ici, mais il a l’amour du maillot, qui s’est bien intégré. Je pense qu’il aime ce club et qu’il l’a rendu sur le terrain toute la saison. Il a fait une saison exceptionnelle. Après, il y a tous les gens de la ville, le staff et les joueurs, tous sont euphoriques. Le président ? Il avait les larmes aux yeux. Il ne nous a rien dit sur le coup, mais il était heureux. Je n’ai pas le souvenir qu’il a fini trempé, mais sûrement, au moins un peu aspergé (rires) », décrit Anthony Briançon.

« Ce que je dois retenir du dernier match ? Ce n’est pas facile, il y a tellement de bons souvenirs. Je pense que ce serait la communion avec tout le stade plein. C’est des moments qui te marquent à vie. On ne réalisait pas vraiment. On se regardait on souriait, on n’avait pas de mots. On travaille depuis un an pour ça et quand on y arrive on se dit "putain, c’est bon, on l’a fait", c’est énorme. Plus ça allait plus on s’en rendait compte. Il y avait une attente au niveau de la ville, des gens... Ça reste une ville de foot. Le Nîmes Olympique est à sa place en Ligue 1. Quand on voit l’engouement que ça crée, la file d’attente des gens pour acheter des places, on se dit qu’il y a un peuple qui aime le foot et ça, c’est bien », s’exclame de son côté Renaud Ripart qui n’a quasiment que connu le NO.

 

Malgré tout, il nous fallait poser cette question sur l’engouement après la rencontre à quelqu’un d’extérieur tant, malicieusement, les joueurs ont tenté de nous faire croire qu’ils avaient été très sages... « La soirée du Gazélec, je peux vous dire que c’était difficile d’arrêter Nîmes ce soir-là. Bien sûr que j’étais sur la pelouse, dans le vestiaire, j’étais partout. C’était la folie. Ils se sont mis à chanter. Mais ce qui a été formidable c’est le public dans le vestiaire puis le public est remonté en tribune, ça n’a pas été facile. Puis les joueurs sont remontés sur la pelouse pour saluer le public, c’était formidable. Je peux vous dire que cette nuit de festivités, parce que ça a duré toute la nuit, les joueurs chantaient avec les supporters tout au long de la nuit. Sincèrement c’était formidable, une ambiance bonne enfant, il n’y a pas eu le moindre début d’incident et c’est à noter. Ça a été parfait, dans la bonne humeur et dans la joie. C’est à l’image de cette équipe qui est bien élevée. C’est un club authentique donc un football authentique. J’aime bien ça. Ce n’est pas pour rien qu’on a fini deuxième ou troisième au challenge du fair-play », nous détaille un Jean-Jacques Bourdin aux anges. Une chose est sûre, il est bon de retrouver les Costières en Ligue 1 l’année prochaine !

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Stanislas Golinski
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Stanilas Golinski quand il avait 80 ans, toujours fidèle à Nîmes
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