LE FABULEUX DESTIN DE PAUL CALABRO

Rien ne prédestinait le petit Paolo Santo Calabró à devenir un jour le Paul Calabro du Nimes Olympique. Né à Motta San Giovani en Italie à la pointe de Mésine face à la Sicile, sa famille fuit le fascisme, et c’est à l’âge de 9 ans qu’il arrive en France, à la « Rand Combe » comme il disait. Son père travaille à la mine et lui, le petit Paolo suit l’école avec pas mal de difficultés car dans la famille on parle un patois mi-Italien, mi-Calabrais. Bon an mal an, il arrive à décrocher son certificat d’étude. Paul est un travailleur et n’hésite pas, malgré son jeune âge (16 ans), à donner un coup de main au marchand de légumes local pour les distribuer dans le village. C’est le début d’une grande aventure.

Janie sa fille raconte : « Mon père était un self made man, un homme qui s’est fait seul. A la Grand Combe il travaillait pour aider la famille Il avait une petite brouette et servait les différents clients. A la fin du marché son patron lui laissait quelques cageots pour arrondir son salaire. Il avait son réseau et écoulait la marchandise. En 1956, après des années comme prisonnier en Allemagne durant la guerre, il arrive au marché Saint Charles comme vendeur d’oranges. Le soir il part à Sète ou Marseille pour attendre les cargos en provenance du Maghreb et attrape le virus du négoce. Se faisant une petite réputation, il s’installe à son propre compte ».

Paul Calabro est un homme agréable, convivial et de bon contact. Il tisse des relations dont une sera déterminante. Il rencontre Emilien Ronzas élu à la chambre de commerce qui lui met le pied à l’étrier. En 1964, Calabro a l’idée de créer le marché gare, où les trains de marchandises arrivent directement sur les quais afin d’y déposer les fruits et légumes. Il sera un précurseur de l’exportation en créant de grandes chambres froides ventilées pour stocker les fruits et légumes à destination de l’Europe du Nord. Lors de visites officielles, il aura l’honneur d’avoir les visites de De Gaulle ou Leopold Sedar Senghor dans son entreprise. Il créera la chaine de superettes Albo-Codec.

Parallèlement à son parcours professionnel, il fait ses premiers pas dans les institutions notamment la chambre de commerce où il siègera de 1961 à 1986. Amateur de vélo c’est dans le foot qu’il va acquérir sa notoriété.

Lors de la saison 1957/58, il entre au comité directeur du club. Dix ans plus tard, le 21 novembre 1967 précisément, cinq mois après la relégation du club en deuxième division, il prend la responsabilité du comité de gestion alors que Jean Chiariny reste président du comité directeur. L’année suivante il accède à la présidence générale.

Le Nimes Olympique est en proie à des difficultés financières. Le football professionnel n’a pas d’autres moyens de recettes que celles de la billeterie et de la buvette pour renflouer les caisses. Dès son arrivée, Calabro lance une opération « Socios » qui consiste à attirer quelques entreprises ou personnes de la société civile prêtes à mettre un peu d’argent dans le club. Dans le Midi Libre du 27 aout 1969 Calabro déclare « Le football professionnel tel qu’il est conçu actuellement est forcément déficitaire et si nous étions logiques nous devrions mettre la clef sous la porte. Notre opération « Socios » que nous avions lancé n’a pas réussi comme nous l’espérions ». Seule la mairie, avec une subvention de fonctionnement revue à la hausse, sera un point d’appui vital pour le club.

Fort de son expérience professionnelle , il ne baisse jamais les bras et tente de trouver des solutions annexes. Il demande aux personnes qui rentrent au comité directeur de mettre la main à la poche. Elie Eghid, son « bras droit » durant plusieurs années se souvient. « Paul Calabro exigeait deux choses des administrateurs. 1/ qu’il ne fasse pas de politique 2/ qu’il mette sur la table 3 millions de francs pour son adhésion plus 10 de caution. Ca refroidissait certains qui pensaient venir là pour la gloire. Il fallait que nous soyons des bénévoles responsables et impliqués ! ».

Le Groupement (présidé par Sadoul) s’interroge pour trouver un moyen de relance avec des financements externes. Calabro à la chance d’avoir parmi ses connaissances un jeune couturier, ancien joueur amateur au NO son nom ? Jean Bousquet dit « Cacharel ». Ensemble ils lancent « L’opération Roumains ». On connait la suite. Voinea et Pircalab arrivent pour renforcer le secteur offensif du Nimes Olympique et Cacharel appose son nom sur les maillots.

En mars 1972, le Midi Libre consacre sa « Une » aux portraits des trois piliers nimois que sont Calabro, Bosquier et Firoud. Sous le titre « Quand souffle sur Nimes Olympique un extraordinaire « Esprit de feu » » chacun donne sa vision de gérer le club.

Calabro y expose les grandes lignes de sa gestion. « Un grand club moderne se conçoit comme une véritable entreprise…mais avec des moyens appropriés ». Il fait d’abord une confidence au journaliste : « Dans les moments les plus difficiles, j’ai appris à mieux connaitre les hommes et les apprécier. Et j’ai retenu ceci : c’est que la raison d’être de l’action c’est peut être de vivre pleinement la vie des hommes de son temps. Je crois que c’est ma vérité ». Dans une interview fleuve il déclare « Lorsque Jean Chiariny m’a confié la direction du comité de gestion, j’ai demandé lors d’un tour de table la totale confiance de mes collègues. En effet je ne conçois pas de bon travail sans une parfaite unité de pensée, une exemplaire coordination des activités et une confiance totale entre tous ceux qui sont appelés à la tâche ». Pour lui, Nimes Olympique «c’est avant tout, et pour aussi particulière qu’elle soit, une grande entreprise qu’il faut diriger comme telle. La phase de l’artisanat dans le professionnalisme est totalement dépassée. »

Il élabore un plan quinquennal en cinq points. Redonner au club une place parmi l’élite ; assainir la situation financière ; donner au club des structures appropriées ; Réaliser une parfaite coordination dans le travail – Gestion Calabro –Administration Bosquier- Technique Firoud –Formation Rouvière-Roux ; Donner au club un stade digne de ce nom.

Ce n’est pas sans mal qu’il fera bouger les lignes. En 1970 il fera appel à la société « Nîmes Olympique Promotion » alors gérée par Jean Claude Darmon pour gérer les publicités dans le stade et la publication « Le Crocodile ». De là naîtront certaines bisbilles avec Pierre Casabianca qui était patron de l’imprimerie IPM par laquelle passaient toutes les publicités. Casabianca répendra son aigreur sur la place publique et, par vengeance, créera la « Gazette» (Sept 71), qui sera un outil pour détruire Calabro. Au travers d’une autre publication (« les hommes libres ») il sera la cible en 1968, d’une campagne qui l’affectera encore plus. L’instigateur est un membre du comité de gestion, qui se trahira lui-même. Il sera débarqué assez rapidement de toutes ses fonctions au sein du Nîmes Olympique car les mots employés sont durs et diffamants. « Cet épisode attristera pendant de longues années mon père » nous confie Janie sa fille.

Calabro savait s’entendre avec tout le monde. Elie Eghid évoque le côté malin de l’homme « Le matin il passait chez Pantel pour prendre son café et acheter la presse, toute la presse. Lorsqu’arrivait à sa table un communiste il mettait en haut de sa pile de journaux « La Marseillaise », lorsqu’il s’agissait d’un entrepreneur local c’était le « Midi Libre », un sportif c’était l’ « Equipe ». Il pouvait jongler avec tout le monde ! ». Il faut dire qu’il savait s’y faire et les réceptions données dans sa maison de la rue Porte Cancière avaient de la tenue. Raymond Legrand rappelle le don que Calabro avait pour fédérer les gens autour du club. Il était le même avec les joueurs qu’il paternait pour les mettre dans les meilleurs conditions. Sa fille nous confie qu’il fut longtemps après son départ, le gestionnaire de fonds que Piracalab avait encore dans une banque nîmoise.

Dans ses propos revient souvent le terme de « politique de sagesse ». Ne pas dépenser l’argent que l’on n’a pas. Il peste contre la vétusté du stade Jean Bouin, même s’il reconnait qu’il est une enceinte à nulle autre pareille. Se mêlant très peu du sportif, il voue à plusieurs reprises un mépris contre l’arbitre Robert Konrath qui, il est vrai, arbitre à sens unique les Nimois. Ce sera le cas contre Saint Etienne, puis Nice notamment. Calabro ira jusqu’à demander à la ligue de le récuser pour arbitrer son équipe.

Sous sa présidence Nimes restera dans l’élite durant treize saisons consécutives avec une quatrième place en 1971, 1974 et une deuxième en 72 derrière l’OM, demi finaliste contre Nantes en Coupe de France en 73, quatre matchs en coupe d’Europe (Setubal et Zurich) et le retour en D1 en 69 et 81). Le 14 juin 1982 il passe le témoin à Jean Bousquet tout en restant le représentant nimois à la Ligue de football. Il est à l’origine de la création des logements sociaux « Un toit pour tous ».

Le 23 juin 2003 il décède à l’âge de 86 ans. Dans le Midi Libre, Firoud déclare « On avait la même ambition pour le club. Il avait su donner le goût de l’ambition à une génération de joueurs. Il aimait le football. Il était toujours avec nous que ce soit en coupe d’Europe ou lors des matches amicaux ». Mézy quant à lui confiait « C’est l’un des derniers grands personnages de Nimes Olympique qui s’est éteint. C’est un homme qui aimait la vie et qui a eu une juste reconnaissance sur le plan national. Je me souviens que l’ont avait eu une petite brouille lors de la saison 78/79 qui m’avait empêché d’être désigné meilleur joueur français. Six mois après, l’affaire avait été réglée à tel point qu’il avait, par la suite, toujours été près de moi. Quand on gagnait, plutôt que de parler de primes, on allait au marché-gare se faire offrir des tomates ou des melons. On se faisait payer en nature en quelque sorte. Je me souviens que c’est sous sa présidence que j’ai signé, à 19 ans, mon premier contrat professionnel ».

Paul Calabro a su donner une âme au Nimes Olympique au même titre que Jean Chiariny. Il était là pour servir le foot et pas s’en servir et n’hésitait pas, très souvent, à mettre la main à la poche en qualité de président gestionnaire qu’il était. Qui aurait dit que Paolo Santo Calabró deviendrait un jour Paul Calabro ? quel fabuleux destin !

JEAN-CHARLES ROUX - "RUE JEAN BOUIN"

Paul Calabro et Kader Firoud
Paul Calabro et Kader Firoud

Né en Italie, il devient primeur et crée une entreprise au marché-gare (actuel Gadéa).

Il est le patron d'"Albo", une supérette, face aux Halles.

Il était au club depuis 1957/1958, quand il est élu de 1967/1968, Président du comité de gestion.

Il fut élu Président du Nîmes Olympique, de 1972/1973 à 1981/1982.

 

Démission de Paul Calabro
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Stanislas Golinski
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Stanilas Golinski quand il avait 80 ans, toujours fidèle à Nîmes
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