Il est le seul président du Nîmes Olympique pouvant se targuer d’avoir connu une finale de Coupe de France, une participation à une Coupe d’Europe et une montée en D2. Aimé Landes fut à la tête du NO de 1996 à 1999. Une réussite fulgurante et surprenante acquise par un homme qui a découvert le football à Nîmes et qui se décrit comme un gestionnaire. Discret et méconnu des Gardois, l’Audois âgé de 74 ans revient sur cette période dorée qui a remis les Crocodiles sur le devant de la scène et fait revivre des émotions inoubliables.

Objectif Gard : Les Gardois vous connaissent peu. Parlez nous de votre parcours avant d’arriver à Nîmes ?

Aimé Landes : Je suis né dans l’Aude en 1947 dans la région de la montagne noire et je ne connaissais pas le foot. J’ai fait des études d’ingénieur et je suis rentré à la Saur (Société d’aménagement urbain et rural). J’ai passé une dizaine d’années à Orléans puis je suis arrivé à Nîmes en 1986 où j’étais directeur général pour le grand Sud-Est. J’ai pris ma retraite en 2011 mais je suis resté à Nîmes.

Comment êtes-vous devenu président du Nîmes Olympique ?

Par l’intermédiaire de la Saur qui était sponsor du club. J’ai découvert le stade Jean-Bouin et en même temps le football. Nous étions le premier partenaire du club à une époque. En 1995, le club descend en National et Jean Bousquet, le président, quitte ses fonctions. À cette époque, les dirigeants ne se bousculaient pas pour venir au NO. C’est Jean-Pierre Vaillant, le secrétaire général du club, qui est venu me solliciter. Après réflexion, j’ai accepté car je n’ai pas l’habitude de refuser un défi. Pourtant je n’avais pas beaucoup de connaissances de ce milieu. C’était un peu inconscient de se lancer là-dedans.

Dans quel état était le club quand vous êtes arrivés ?

Il n’y avait pas grand-chose. C’était la première fois que le club tombait en National, Bousquet était parti et il n’y avait plus d’argent dans les caisses. C’est même Bousquet qui a payé les derniers salaires avec ses deniers personnels, mais il a été remboursé après.

Quel était le statut du club à cette époque ?

La mairie était actionnaire principal avec un conseil de surveillance dont Bernard Finiel, l'adjoint aux Sports à la ville de Nîmes, était président. Quant à moi, j’étais le président du directoire de la SAEMS (Société anonyme d'économie mixte sportive).

Dans ce contexte qui gouvernait le club ?

Le conseil de surveillance, représentait par Bernard Finiel, n’avait aucun pouvoir réel mais il pouvait donner des orientations et valider les budgets. C’était le directoire qui avait la signature du club et qui était l’organisme de gestion du club. S’il y avait un problème dans le club, c’était à moi d’en répondre.

Avez-vous eu à répondre d’un problème ?

Il y a eu quelques incidents. Par exemple, un jour le bus de l’équipe d’Ajaccio a été cassé et j’ai été convoqué par la police.

« On va en prendre comme aux boules »

Pour votre première saison, il y a cette formidable épopée en Coupe de France.

Oui et tout a commencé à Lunel. En fin de rencontre, nous étions menés et j’en avais marre donc je suis parti. En quittant la tribune j’ai entendu une clameur. Nous venions d’égaliser par José Dalmao et ensuite nous sommes passés en prolongation. Ça tient à pas grand-chose !

Quel souvenir gardez vous de cette Coupe de France ?

Il y en a beaucoup. Chaque fois ça passait de justesse, c’était un miracle. Après le match à Thouars, je suis rentré à Nîmes en voiture et pendant la trajet j’écoutais France Info qui donnait les résultats et les buteurs.

Avec Strasbourg, en quart de finale, les choses sérieuses commencent...

Ce match a été spectaculaire et Strasbourg, qui était européen, a ouvert le score rapidement. Finiel a alors dit : « On va en prendre comme aux boules ». Finalement on se qualifie 3-2 en prolongation, c’était inattendu.

« Louis Nicollin s’était mis à pleurer dans les vestiaires »

Le succès face à Montpellier en demi-finale est resté dans toutes les mémoires, comment l’avez-vous vécu ?

Le jour du match j’ai dit à un journaliste de RMC : « On a aucune chance, mais on va la jouer à fond » mais ça a été attribué à Pierre Barlaguet. Avant la rencontre, Louis Nicollin avait promis 100 000 francs à chacun de ses joueurs s’ils éliminaient Nîmes. Il s’était mis à pleurer dans les vestiaires en disant à son équipe « On ne peut pas perdre contre Nîmes ! ». Cela a tétanisé les Montpelliérains. On sentait qu’ils n’étaient pas dans le coup ce jour-là. Ils n’ont pas été foutu d’égaliser après le but de Ramdane. Dans le dernier quart d'heure je ne regardais que le chronomètre. Je n’ai pas dormi dans la nuit qui a suivi.

Dans quel état d’esprit étaient vos joueurs avant d’aborder ce derby ?

Nous craignions que des joueurs de Montpellier passent des coups de téléphone aux nôtres pour les déstabiliser. C’est ce qu’ils ont fait d’ailleurs mais ça n’a pas fonctionné, car les Nîmois étaient tellement motivés. Je me souviens que Montpellier avait réservé les trains pour la finale avant de nous affronter. Il ont dû les annuler.

Avez-vous parlé avec Louis Nicollin à la fin de la rencontre ?

Il est venu m’embrasser et je sais qu’avec Michel Mézy ils se sont morfondus toute la nuit. Au Mas Gabriel, ils ont fini une bouteille de whisky pour noyer leur chagrin.

« Les dirigeants de Marseille sont venus nous demander si nous ne voulions pas leur laisser notre place européenne »

Aviez-vous promis des primes de qualification pour la finale ?

La veille de la finale les joueurs m’ont convoqué à l’hôtel. Ils voulaient une prime de participation, je leur ai dit qu’ils auraient 50 000 francs par joueur et la somme serait doublée en cas de participation à la Coupe d’Europe. Cela faisait 100 000 francs chacun. Nous avions mis en place un système de prime en fonction de la participation aux matches de coupe de France à partir de Lunel.

Comment c’était passée la préparation de la finale face à Auxerre ?

En championnat, il y a des joueurs qui ne risquaient pas de se blesser. Il fallait parfois que Pierre Mosca les engueule. Et puis un jour, des dirigeants de l’Olympique de Marseille sont venus nous demander si nous ne voulions pas leur laisser notre éventuelle place européenne. Cela n’a jamais été envisagé pour notre part.

Et puis vient le grand soir ?

Quand nous sommes arrivés, le stade était déjà plein. On s’est dit « que fait-on là ? pourvu que l’on ne prenne pas une correction ». Quand Belbey a marqué et que les supporters ont crié leur joie, j’ai senti les tribunes trembler.

« Les autres clubs voulaient nous écarter des négociations »

Etes-vous déçu à la fin du match ?

Non, nous avions atteint notre but largement. Dans Paris, les gens nous apostrophaient, notre bus était escorté par la police. Avec Auxerre nous avons partagé la recette du match et il y avait 12 millions de téléspectateurs devant leur écran ce soir-là. Le lendemain, à notre retour, il y avait 3 000 personnes pour nous accueillir à l’aéroport de Garons et le match suivant aux Costières, il y avait 10 000 spectateurs contre Créteil pour une rencontre de National.

La saison d’après, la belle histoire se poursuit avec une participation à la Coupe des Coupes...

Je suis allé deux fois à Genève pour le tirage au sort. Là on se retrouve avec du beau monde. Il y avait des équipes de tous niveaux. Contre Solna nous avions raté le match aller aux Costières et la victoire en Suède n’a pas suffi.

Comment s’est déroulée la répartition des droits TV de la coupe d’Europe ?

J’ai participé à des réunions à Paris pour la répartition des droits télé pour la coupe d’Europe. Noël Le Graët nous a bien défendu. Il a dit aux autres présidents : « Ce n’est pas tous contre Nîmes, ils ont droit comme les autres » car les autres clubs voulaient tous nous écarter des négociations. C’était à la tête du client. Par exemple, Montpellier qui a été éliminé au premier tour a gagné plus d’argent que nous qui nous sommes qualifiés pour le second tour. Jean-Claude Darmon, qui gérait les droit TV, nous présentait en tant que club amateur, alors que, malgré notre descente en N1, nous avions conservé le statut professionnel. À l’arrivée, nous avions touché 1,5 million de francs, ce qui était moins que les autres.

Pourquoi ne pas avoir conservé Pierre Barlaguet après cette saison ?

Il avait 65 ans et Pierre Mosca était programmé pour prendre la suite. Avec le recul, je me dis que nous aurions dû le conserver et lui proposer quelque chose. Ce n’était pas un grand bavard.

La saison suivante, le club monte en Ligue 2...

Oui et il y avait un match pour décerner le titre de champion du National aux Costières contre Wasquehal. Nous étions menés à quelques instants de la fin, nous nous préparions pour donner la coupe à notre adversaire et puis Nîmes a égalisé dans les derniers instants pour s’imposer aux tirs au but.

Comment s’est passée la première année en D2 ?

Nous nous sommes maintenus à la fin et c’était bien là l’essentiel.

« Mécha Bazdarevic était un grand monsieur... »

Pour votre troisième saison, vous décidez de vous séparer de Pierre Mosca. Pourquoi ?

Ça ne marchait pas très bien en championnat alors nous avons engagé Serge Delmas qui était surtout un formateur. Il a eu un peu de mal.

À la fin de la saison 1998-99, vous quittez le club. Pour quelle raison ?

La municipalité, qui était actionnaire majoritaire du club, voulait installer Jean-Claude Arnoux à la tête du directoire. Mon mandat courrait encore deux ans mais j’ai préféré partir. Je suis revenu ensuite dans le club quand Jean-Louis Gazeau en était le président et désormais je siège au conseil d’administration de l’association.

Il y a-t-il un joueur qui vous a laissé un très bon souvenir ?

Oui, Mécha Bazdarevic. Il n’a jamais foutu les pieds à la mairie pour se plaindre en douce. Quand nous nous sommes séparés de lui, nous l’avions convoqué dans mon bureau à la Saur et je le revois en pleurs car il voulait rester à Nîmes. Mais après une blessure, il avait du mal à retrouver son vrai niveau. C’était un grand monsieur, très respectueux. Il a beaucoup aidé les joueurs et ils le respectaient beaucoup. Puis après son départ, tous les mois de janvier, il m’envoyait ses vœux pour la bonne année. C’est de loin celui qui me laisse le meilleur souvenir.

« Si c’est comme ça je me casse, je n’irai pas à la DNCG demain. Je perdrais sept millions, mais je ne mettrai que sept mois à les regagner ! »

Les autres joueurs non ?

Je ne les ai pas trouvé très reconnaissants. Je ne parle pas pour moi car je ne mettais pas d’argent mais j’ai pu le constater avec Jean-Louis Gazeau et j’avais été déçu de la mentalité des joueurs.

Qu’auriez-vous fait si vous étiez resté à la tête du club ?

J’aurais eu quelques idées de monter en Ligue 1 car en structurant le club ce n’était pas mission impossible non plus. Et puis les finances étaient plutôt bonnes avec la vente de Lamine Sakho à Lens.

Quel regard portez-vous sur Rani Assaf, le président actuel du Nîmes Olympique ?

Je fais partie de ceux qui l’ont soutenu quand il a fallu signer une convention avec l’association. Un jour à un conseil d’administration, où c’était un peu houleux, il nous a dit : « Si c’est comme ça je me casse, je n’irai pas à la DNCG demain. Je perdrai sept millions, mais je ne mettrai que sept mois à les regagner ! » Finalement, il est resté. J’ai toujours pensé que les gens qui ont de l’argent et qui le mettent dans Nîmes Olympique, ça ne court pas les rues. Il me semblait que c’était quelqu’un d’intéressant pour le club. Il n’y avait pas beaucoup d’autres solutions. Aujourd’hui, je pense qu’il a commis une erreur avec le centre de formation. Nîmes est un club qui a des racines profondes et il a coupé les racines. Il s’est coupé des Nîmois et personne ne va au stade.

Propos recueillis par Norman Jardin 

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Stanislas Golinski
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Stanilas Golinski quand il avait 80 ans, toujours fidèle à Nîmes
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