INTERVIEW DE JEAN-JACQUES BOURDIN

 

 

Avant d'être un homme de débat qui confronte son opinion à celle de millions de Français chaque matin sur RMC, Jean-Jacques Bourdin a été journaliste sportif à RTL. Une des origines de cette vocation : le Nîmes Olympique. Ça tombe bien, le président Jean-Marc Conrad vient de le nommer parrain du club. Suffisant pour lui donner la parole.

Vous venez d'être nommé parrain du Nîmes Olympique. Une info qui en a surpris plus d'un...
Je comprends très bien que ça puisse surprendre ceux qui ne savent pas que je suis gardois d'origine, que je suis cévenol, que j'ai une maison dans le Gard où je vais au moins tous les 15 jours, que j'ai joué au foot et que le premier match que j'ai vu dans ma vie est un Nîmes-Reims au stade Jean Bouin. Je ne me souviens plus si c'était en 59, en 60 ou en 61. Nîmes et Reims étaient en compétition pour le titre et Reims était venu gagner à Jean Bouin. C'est le premier match que j'ai vu de ma vie, je devais avoir 8 ou 9 ans. À partir de l'âge de 16 ans et jusqu'à 22, 23 ans, j'allais à tous les matchs du Nîmes Olympique à Jean Bouin. Je n'ai rien raté ! J'ai vécu notamment la fameuse saison 71/72 où on termine 2e de D1 derrière l'OM.
Avec le mythique entraîneur Kader Firoud.
J'ai adoré ce Nîmes avec Kader Firoud. Je l'ai connu après, on a sympathisé et j'ai adoré cet homme. C'était la grande époque, celle de Trésor/Adams en défense centrale. André Kabile, qui jouait arrière gauche, était un personnage incroyable. Et puis Jacky Vergnes en avant-centre, Jacques Bonnet qui jouait ailier gauche... Nîmes avait recruté deux Roumains : Voinéa et Pircalab. Je me souviens de soirées épiques car Pircalab était un dribbleur fou. Il dribblait son défenseur, il s'arrêtait et le public applaudissait et hurlait pour qu'il le dribble de nouveau. On a vécu des soirées monumentales à Nîmes. Je suis tombé fou amoureux de ce club, je l'ai toujours suivi, à distance évidemment avec ma vie professionnelle. Alors quand ils m'ont fait cette offre, je ne pouvais pas refuser.
Le club est actuellement 15e de Ligue 2 à 2 points du premier relégable et traverse une mauvaise passe.
Il faut qu'on s'en sorte. On a 1 point à prendre, on doit pouvoir y arriver et après on pourra repartir sur de bonnes bases en Ligue 2. C'est un club qui est fait pour le football, c'est une ville de football. À mon sens, pour lui redonner de la force, il faut rendre le stade plus convivial car il est un peu triste mais il y a un vrai esprit nîmois. Selon moi, c'est LE grand club de foot du Languedoc-Roussillon, devant Montpellier.
À propos de l'ambiance du stade, elle a beaucoup changé avec les années ?
Le stade en lui-même n'est pas exceptionnel. Il est très bétonné mais justement, il faut le rendre chaleureux et je crois savoir que c'est ce que veulent les dirigeants du club. Le foot, on le sait, c'est un spectacle. Et il faut que ce soit un spectacle à Nîmes. On aime ça, on aime la corrida, on aime le spectacle. Un match à Nîmes, c'est un spectacle ! À Jean Bouin, c'était un spectacle ! On avait un entraîneur, Kader Firoud, qui faisait lui-même le spectacle, le public était sur la pelouse. Il faut retrouver cet état d'esprit.
Vous n'avez donc pas hésité une seconde avant d'accepter cette offre ?
Non, non, pas du tout. Pour être parrain du club de foot de votre cœur, il n'y a pas d'hésitation.
Que représente cette nomination pour vous ?
C'est honorifique et en même temps, c'est l'occasion de donner un coup de main au club de temps à autre. Je ne vais pas m'impliquer dans la gestion financière ni dans la gestion sportive du club. Mais si la nouvelle équipe dirigeante me demande mon avis sur tel ou tel point, je le donnerai. Mais ça s'arrêtera là.
Quelle est la nature de votre relation avec le nouveau président Jean-Marc Conrad ?
Je connais Jean-Marc Conrad. On a des amis communs. C'est quelqu'un de dynamique, de moderne, qui a compris qu'il fallait regarder le monde du football avec son temps. Il faut absolument qu'il mette une équipe dirigeante compétente, c'est toute la difficulté du challenge. Il faut que la structure soit solide, après, ce sont les joueurs qui sont sur la pelouse.
Il s'est déjà bien entouré en recrutant trois actionnaires.
A priori, il a un actionnariat solide mais il n'y a pas que ça à prendre en compte. Il y a aussi ceux qui font vivre le club et qui apportent du professionnalisme. Je crois beaucoup au professionnalisme et à l'exigence.
Le club a annoncé que les nouveaux projets du Nîmes Olympique, notamment les plans économiques, seront évoqués lors d'une journée spéciale le 7 juin. En savez-vous davantage ?
Je ne peux pas vous dire. Sincèrement, je n'en sais rien car je dois déjeuner avec Conrad la semaine prochaine. Je vais le rencontrer afin de voir quel pourra être mon petit rôle dans tout ça.
Il a déclaré que, compte tenu de votre carnet d'adresses, vous pourrez être un « facilitateur de contacts ». Vous pensez qu'il vous a choisi pour ça ?
Je ne suis pas dupe. Je sais que s'il m'a sollicité, c'est aussi parce que je connais beaucoup de monde et que ça peut l'aider médiatiquement. C'est une évidence. Personne n'est dupe, ni lui, ni moi.
Ça n'en fait pas pour autant un parrainage intéressé ?
Ah non, non, il n'y aucune question d'argent. Je vous le dis tout de suite, c'est du bénévolat total pour moi. [Il insiste] Non, non, non, il n'en est absolument pas question ! C'est uniquement pour aider le club que j'aime. D'abord, je n'aurais pas cette prétention et puis je ne vais pas me faire payer pour apporter un carnet d'adresses ou des relations. Et puis j'ai autre chose à faire.
Quel est votre rapport au football, aujourd'hui, en dehors du Nîmes Olympique ?
J'ai commencé comme journaliste sportif à RTL, donc je connais bien le monde du sport. Enfin, à l'époque. Maintenant, je le connais moins parce qu'il a beaucoup changé. Et encore, je suis passionné par le sport, j'adore ça. Les seules fois où je regarde la télévision, c'est du sport. Je le dis sincèrement, je suis plus attiré par le rugby aujourd'hui que par le foot. Je regarde plein de matchs de rugby. Par exemple, j'ai regardé les deux matchs de barrage du Top 14 et je vais regarder les deux demi-finales et la finale du Top 14. Je suis copain avec Mourad Boudjellal (président du Rugby club toulonnais Ndlr), j'aime son aventure à Toulon et je trouve ça formidable. Après, Nîmes, ça dépasse le foot. C'est mon club. Les Anglo-Saxons sont comme ça, ils ont un club. Moi, c'est pareil avec le Nîmes Olympique.
Donc j'imagine que vous allez suivre attentivement la Coupe du monde et l'annonce de Deschamps ce soir. Vous avez des préférences pour la liste des joueurs ?
Bien sûr, j'ai des préférences ! J'avais reçu Deschamps il n'y a pas très longtemps sur RMC et il m'avait dit : « Ce ne sera peut-être pas les meilleurs que je prendrai ». Il a raison, je trouve. L'état d'esprit, c'est essentiel, et je comprends très bien qu'il ne prenne pas Nasri. Quand on est joueur de football professionnel - et si un jour j'ai l'occasion d'en parler au Nîmes Olympique - ce sera mon discours : on se doit d'être exemplaire. Vis-à-vis du public qui paye sa place pour venir au stade, ça doit être la première des réflexions. Tout part de là. Après, on gagne, on perd, ça arrive à tout le monde. Mais quand on est professionnel de football, on doit se comporter comme un professionnel. Il faut être exigeant avec soi-même. Nous, on l'est dans le milieu journalistique donc je ne vois pas pourquoi un footballeur ne le serait pas. Il y a un comportement à avoir, un esprit, que Nasri n'avait pas lors du premier match contre l'Ukraine. Je ne parle pas du reste, du passé, mais ce jour-là, il ne l'avait pas. Quand on n'a pas l'état d'esprit pour un match aussi important, on ne va pas à la Coupe du monde. Après, je ne connais pas suffisamment les autres joueurs, mais j'aime bien les jeunes qu'il lance. Les Mangala, les Varane, c'est formidable !
Vous pensez que la France peut faire quelque chose ?
Je suis convaincu que la France peut faire quelque chose ! Je ne pense pas que la France devienne championne du monde mais dans tous les cas, elle va se qualifier pour les huitièmes et après, sur un match, je ne vois pas pourquoi elle n'irait pas en quarts ou en demies. Vu le contexte, les équipes sud-américaines seront là, bien évidemment.
Pour revenir sur le Nîmes Olympique et sur l'état d'esprit, pensez-vous pouvoir transmettre ce genre de message aux joueurs ?
Un jour ou l'autre, je parlerai aux joueurs du Nîmes Olympique. Je leur dirai ce que je sais, ce que je sens et comment ils doivent être. Mais après, je laisserai la place à l'entraîneur. Je ne parlerai qu'une fois.
Il s'agira d'une parole de supporter ou de membre du club ?

J’essaierai de leur transmettre des valeurs. C'est essentiel. Quant au début de la saison prochaine, on verra si on sera en Ligue 2 ou en National, mais il faudra leur transmettre des valeurs, c'est certain.
Que se passe-t-il si le club descend en National ?
Si le club tombe en National, il continuera et je serai toujours supporter du Nîmes Olympique. Et Jean-Marc Conrad ne va pas jeter l'éponge si le club tombe en National, mais on essaiera de remonter le plus vite possible.
Vous avez confiance en Jean-Marc Conrad pour redresser la barre ?
J'ai confiance en ces hommes-là. Dans la vie, je pense que ce n'est pas quelqu'un qui s'engage à la légère. On va en parler mais s'il s'engage, c'est pour bien faire les choses et réussir. Ou alors, on n'est pas là pour être président du Nîmes Olympique. Le problème, c'est que les joueurs, comme les dirigeants, sont au service d'un club et au service du public. Parce qu'un club de football, ce n'est jamais qu'un club de football qui est là pour apporter un peu de joie et de plaisir à des gens qui n'en ont pas constamment. C'est un plaisir de partir au stade le soir avec son fils, son copain, son voisin ou son frère.
Justement, cette notion de plaisir ne s'est-elle pas perdue ?
Vous avez raison ! Ce plaisir où on a le cœur qui bat, ou on est excité, c'est tout à coup une rupture avec le quotidien, c'est une joie. Après le match, on va le commenter. On va être déçu ou heureux selon qu'on ait gagné ou perdu. On va refaire le match autour d'une bière et ça, ce sont des plaisirs qu'on garde toute sa vie. Mais vous avez raison qu'on le perd un petit peu car les clubs ont tellement d'enjeux financiers. Nîmes Olympique ne sera jamais le Paris Saint-Germain ou Monaco mais à côté de ces très grands clubs, il en faut qui ont un esprit et une mentalité. Nîmes est une ville qui a aussi besoin de ça pour exister et il faut que tout le monde en soit conscient.
Que pensez-vous de ceux qui disent que des clubs comme le PSG ont perdu leur âme ?
Je suis assez d'accord. Aujourd'hui, c'est devenu une telle entreprise de spectacle que c'est aux dirigeants de maintenir l'esprit. Mais regardez le Real, il y a quand même l'amour du maillot, du club. Au Bayern, c'est pareil ! Regardez comment ce club est géré. Je dis bravo !
À l'étranger d'accord, mais en France, on n'a pas cette culture foot chevillée au corps. On dit souvent que la France n'aime pas ses joueurs par exemple.
C'est vrai, c'est français. On n'aime pas la réussite en France. Ou, du moins, on n'aime pas toutes les exigences nécessaires pour l'atteindre. Il y a une forme de laxisme et moi, je suis très rigoureux avec ça, surtout quand on est professionnel. Le bénévole qui va jouer au foot tous les dimanches avec laxisme, je comprends très bien, mais je ne le tolère pas quand il s'agit de personnes qui sont payées pour ça et qui vivent pour ça.
Propos recueillis par Morgan Henry (So Foot)

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Stanislas Golinski
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Stanilas Golinski quand il avait 80 ans, toujours fidèle à Nîmes
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