Le retour aux sources de Jean-Jacques Bourdin à Nîmes

Quand il n'y en a plus, il y en a encore. Chaque matin après Bourdin Direct, du lundi au vendredi de 6 heures à 9 heures, Jean-Jacques Bourdin débriefe avec son équipe. Du coup, il nous reçoit dans son bureau flambant neuf de l'Altice Campus avec quelques minutes de retard. Il connaît bien L'Équipe. «Je me suis mis à le lire tous les jours dès l'âge de douze-treize ans. J'étais un passionné de sport. Mais généralement, aujourd'hui, je m'arrête après le foot et le rugby», confie-t-il un peu gêné.

À une époque, le sport rythmait vraiment sa vie. Car avant d'être considéré comme l'un des meilleurs intervieweurs politiques de France, Bourdin a d'abord fait ses armes comme journaliste sportif. Il a même essayé d'intégrer la rédaction du journal par l'intermédiaire de Jean Sadoul, alors président du Groupement, l'ancêtre de la Ligue de football professionnel. En vain. Tentative de piston ? «Non, répond catégoriquement l'intéressé. Jean Sadoul était d'Alès comme moi. Je le connaissais surtout parce qu'il avait dirigé l'Olympique d'Alès, le club de foot local.»

Nous sommes en 1975. Et à vingt-six ans, Jean-Jacques Bourdin n'en est pas à son premier échec. La période post-bac du jeune Gardois n'est guère fructueuse. Ses études de droit entamées à la fac de Grenoble ne lui plaisent pas. En tout cas moins que les soirées poker. Il quitte donc l'enseignement supérieur. Après son service militaire, il enfile même le costume de VRP et sillonne les routes de l'Ardèche, du Vaucluse ou encore du Gard pour vendre notamment des assurances-vie.

Puis il se met à rêver journalisme. Pas refroidi par le fiasco L'Équipe, il croise la route d'un certain Raymond Castans, alors patron de RTL, l'oncle de sa petite amie de l'époque. «On parle de sport tous les deux, et Raymond voit que je m'y connais», se souvient Bourdin, dont la carrière débutera sur un pari. Au détour d'une de leurs nombreuses discussions, Raymond Castans soutient au jeune homme que l'Italien Franco Bitossi - surnommé le «coureur au cœur fou» tant celui-ci s'emballait au moindre effort - avait été champion du monde de cyclisme. Convaincu du contraire, Jean-Jacques Bourdin parie et gagne...

Quelques mois plus tard, les deux hommes se retrouvent donc à Paris dans les locaux de RTL. «Quand j'arrive, je suis en stage. Je ne sais rien faire», raconte Jean-Jacques Bourdin. Rue Bayard, le siège historique de la radio qu'elle a quitté en mars dernier, on le surnomme «le pistonné». «Ça ne m'a jamais traumatisé», assure-t-il. D'autant qu'après quinze jours d'observation, il a rapidement l'occasion de faire ses preuves. Il est envoyé à Évian suivre la préparation du PSG, jadis partenaire de RTL. «J'ai découvert un monde professionnel que je ne connaissais pas et qui m'a plu.» Après neuf mois de stage, il est titularisé au sein de la rédaction des sports. Il y restera jusqu'en 1982. Sept ans où il couvre une ribambelle de disciplines, du rugby à la gymnastique, en passant par le cyclisme, le football, le ski, la F1 et l'athlétisme.

Parmi ses plus beaux souvenirs, son interview de Wladislaw Kozakiewicz, le perchiste médaillé d'or aux Jeux de Moscou en 1980, auteur d'un bras d'honneur resté célèbre au public russe qui le sifflait pendant ses sauts. «C'était un moment d'histoire extraordinaire. Kozakiewicz, opposant au communisme, qui réussit à s'imposer et battre au passage le record du monde dans un stade conquis à la cause du perchiste local, Konstantin Volkov. Ils ouvraient carrément les portes du stade pour laisser entrer un maximum de vent pendant ses sauts», se rappelle Bourdin.

Autre grand moment : la Coupe du monde de football 1982 en Espagne. Sa première et sa dernière comme journaliste. S'il rate la demi-finale des Bleus à Séville, pour cause de départ sur le Tour de France, il n'en garde pas moins un formidable souvenir. «On était en plein dans l'opposition Jean-François Larios/Michel Platini. Larios était au trente-sixième dessous. Il faisait le mur de l'hôtel de l'équipe de France à côté de Valladolid. J'allais le chercher, on passait la nuit à refaire le monde. Il savait qu'il ne jouerait plus.»

Si Robert Chapatte souhaite le recruter pour s'occuper du rugby sur Antenne 2, il choisit de rester fidèle à Raymond Castans qui lui propose de présenter le journal de 8 heures sur RTL

Bourdin est d'ailleurs tellement proche du milieu de terrain stéphanois que quand le scandale de la caisse noire de l'ASSE a éclaté quelques semaines plus tôt, il n'a pas traité l'affaire, Christian Ollivier, aujourd'hui chef des sports à RTL, à cette époque stagiaire dans le même service, s'y collant. Ce dernier dépeint un Jean-Jacques Bourdin bienveillant. Comme ce soir où il est envoyé à Nancy pour commenter un match dans le cadre de l'émission Les routiers sont sympas(disparue en 1983). «Je ne me sentais pas bien. Je voulais tout arrêter. J'appelle donc le présentateur. Ce soir-là, c'était Bourdin et il m'a immédiatement rassuré.»

Mais tous n'aiment pas ce qu'il est devenu. Un de ses anciens confrères à RTL, contacté pour évoquer leur relation, nous a répondu : «Le populisme, ce n'est pas mon truc. Je préfère m'en tenir à cela...»

1982 marque la fin de la carrière de Jean-Jacques Bourdin au service des sports. Si Robert Chapatte, directeur des sports sur Antenne 2, souhaite le recruter pour s'occuper du rugby, il choisit de rester fidèle à Raymond Castans qui lui propose alors de présenter le journal de 8 heures sur RTL. Le commentaire d'un match, il ne le retrouvera finalement qu'en mars dernier, pour France-Colombie (2-3). Mais là-dessus, il insiste : «Il faut voir ce match comme une madeleine de Proust, d'ailleurs je ne m'étais pas assez préparé.» Ce que réfute Jean Rességuié, l'un des journalistes sportifs phares de RMC, qui l'accompagnait ce soir-là et avec qui il discute souvent football : «J'étais totalement bluffé. Il a énormément travaillé ses fiches, surtout sur les joueurs colombiens.»

Le 17 octobre, Jean-Jacques Bourdin a été nommé président d'honneur de Nîmes. Laurent Boissiers, le directeur sportif, détaille son rôle : «Il donne une image positive au club et file des coups de main sur des dossiers. Pour Romain Del Castillo par exemple (prêté par Lyon l'an dernier), j'ai demandé s'il pouvait contacter Jean-Michel Aulas. Il vient aussi aux matchs et m'appelle en semaine pour connaître l'état de forme des joueurs.»

Elle est loin l'époque où, en 1959, son grand-père l'emmenait pour la première fois au stade Jean-Bouin supporter l'équipe de l'entraîneur emblématique, le «magique Kader Firoud», comme il l'appelle.

Aujourd'hui, Jean-Jacques Bourdin est habité d'une mission : «Défendre le club.» Voilà pourquoi, quand on lui parle de l'ancien président - qui l'a amené au club en 2014 - Jean-Marc Conrad (celui-ci a fait appel de sa condamnation à trois ans de prison dont dix-huit mois avec sursis dans l'affaire des matches truqués en 2014 pour éviter la relégation en National), Bourdin la joue très président d'honneur. «À l'époque, j'ai accepté sans être au courant de ce qui se tramait. D'autre part, je ne vois pas où est la corruption. Il y a un match que l'on a perdu 5-1, et pour le nul face à Caen (1-1), je ne vois pas pourquoi il y aurait eu corruption dans la mesure où cela arrangeait les deux équipes.»

À croire que ceux qu'il cuisine tous les matins depuis maintenant dix-sept ans et qui biaisent parfois dans leurs réponses ont un peu déteint sur lui... 

2 395 000Le nombre d'auditeurs cumulés chaque jour pour la saison 2017-2018 de la matinale RMC, selon Médiamétrie.

Jean-Jacques Bourdin en bref

 

69 ans.
1976 : débute comme journaliste sportif à RTL. 
2001 : prend les commandes de la matinale de RMC. 
2018 : devient président d'honneur du Nîmes Olympique.  (L'Equipe du 07 11 2018)

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Stanislas Golinski
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Stanilas Golinski quand il avait 80 ans, toujours fidèle à Nîmes
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