Daniel Sanlaville (NO) : « Robert Herbin nous avait traité d’assassins »

 

Daniel Sanlaville, qui a joué dans les deux clubs, a accepté d’ouvrir la boite aux souvenirs. Avec l’ancien Crocodile, nous replongeons avec gourmandise dans ces matchs toujours animés en entre les Rouges et les Verts.

Objectif Gard : En ayant joué dans les deux clubs, vous avez dû participer à beaucoup de ASSE – Nîmes ?

Daniel Sanlaville : J’en ai joué au moins sept. Il y en a un avec Saint-Étienne que nous avions perdu 4-0 au stade Jean-Bouin. Il était pourtant important pour les Verts.

Pourquoi ?

C’était la dernière journée. Nîmes était assuré de terminer deuxième mais il nous fallait au moins un nul pour être européen. Avec cette défaite, la qualification européenne nous est passée sous le nez au profit de Lyon qui, la veille, avait fait 4-4 à Marseille. Nîmes à ce moment-là c’était du costaud.

À quoi ressemblaient les Nîmes – Saint-Étienne de cette époque ?

Les Verts craignaient beaucoup de venir ici. Ils n’ont pas gagné beaucoup de rencontres à Jean-Bouin. C’était difficile de défier les Crocodiles à domicile.

C’était l’opposition de styles entre Kader Firoud et Albert Batteux.

Batteux aimait bien le jeu court, précis, la technicité et l’agressivité dans le bon sens du terme. Avec Kader, le jeu était direct en occultant le milieu de terrain. Mais notre marque de fabrique à Nîmes, c’est que nous jouions à fond le premier quart d’heure et nous faisions souvent la décision rapidement.

Vous faisiez des misères aux grosses équipes françaises, n’est-ce pas ?

Nîmes faisait partie du top 5 français. Contre les gros nous avions une motivation supplémentaire. En revanche, face aux clubs moins bien classés comme Metz, Valenciennes ou Sedan, nous rencontrions plus de difficultés. Peut-être que l’on prenait ces matchs plus à la légère.

On ne peut pas parler des ASSE – Nîmes sans évoquer celui de mai 1976 où deux stéphanois ont été blessés et ont dû déclarer forfait pour la finale de coupe des clubs champions (Ex Ligue des Champions). Le Bayern Munich a-t-il payé les Crocodiles pour casser du Vert, comme une rumeur l’affirmait ?

Non (rires). J’étais le capitaine de Nîmes ce jour-là. Il y a beaucoup de choses à expliquer sur ce match.

On vous écoute !

D’abord Saint-Étienne n’avait pas l’habitude d’être mené au score et c’est nous qui marquons en premier. Ensuite, entre l’Argentin Piazza et notre Brésilien Luizinho ce n’était pas le grand amour. Le Nîmois faisait des misères aux défenseurs stéphanois, il y a eu quelques règlements de comptes entre eux mais pas plus.

Sur le terrain, tout avait bien débuté pour Nîmes.

Oui, nous avons ouvert le score mais Patrick Revelli a obtenu un penalty imaginaire. Saint-Étienne marque un premier puis un deuxième but sur l’engagement. À partir de là, ils ont commencé à durcir le jeu.

Nîmes jouissait-il d’une mauvaise réputation à l’époque ?

Je veux bien que l’on dise qu’à Nîmes nous étions des assassins mais c’est faux. Il y a eu plus de Nîmois blessés par les autres clubs que le contraire. Quant aux Stéphanois ce n’étaient pas des saints non plus. Piazza, Janvion il fallait se les faire, quant à Synaeghel et Santini, c’était toujours des coups en douce. Après un match à Nantes, un journaliste avait écrit en parlant de nous : « Les voyous du football français ». Lui, il n’a jamais remis les pieds à Jean-Bouin. Robert Herbin, l’entraîneur de Saint-Étienne, nous avait traité d’assassins.

Il n’en reste pas moins vrai que les Nîmois ont blessé deux Stéphanois…

C’est vrai que le geste de Mathieu sur Farizon est incompréhensible. Quand on est footballeur professionnel, on peut aussi se tromper comme Luizinho sur Synaeghel.

Au fil des minutes, la rencontre s’est-elle envenimée ?

C’était de la folie ! On ne voulait plus jouer de peur de blesser un troisième stéphanois. D’ailleurs, ce match nous ne voulions pas le jouer à quelques jours de la finale, mais c’est Robert Herbin qui voulait absolument ne pas rester quinze jours sans jouer. Après la rencontre, notre bus a été accompagné par la police jusqu’à Saint-Chamond.

Est-ce que les Français vous en voulaient d’avoir blessé deux Stéphanois ?

À cette époque, le football français n’était représenté que par l’ASSE. Les Verts étaient meilleurs que les Bleus.

Quels étaient les principales différences entre Nîmes et Saint-Étienne à cette époque ?

Roger Rocher, le président de l’ASSE, avait développé son club notamment dans le secteur médical avec des saunas, des salles de massages mais aussi des bains digne d’un club d’aujourd’hui. Du coup, il y avait beaucoup moins de blessés que chez nous. À Nîmes, le kiné nous prenait entre deux clients.

Faut-il vous considérer comme un Vert ou un Crocodile ?

On me colle souvent l’étiquette de Stéphanois parce que j’ai joué deux saisons à l’ASSE. Mais il ne faut pas oublier que j’ai joué huit saisons à Nîmes, ma femme et mon fils sont nîmois idem pour ma belle-famille.

Daniel Sanlaville devant le café Pantel, où il a ses amis et ses habitudes depuis plus de 50 ans (photo Norman Jardin)

Allez-vous regarder le match de cette après-midi entre Saint-Étienne et Nîmes ?

Bien sûr. Je regarde tous les matchs des Crocos, j’écoute les directs et je lis tout ce qui concerne Nîmes Olympique. Même pour les équipes de jeunes.

Quel est votre pronostic ?

Je pense que Nîmes a une petite chance de ramener un bon résultat. D’abord parce que Bouanga sera suspendu, puis le match va se jouer à huis-clos et on connait l’importance du public à Saint-Étienne.

Allez-vous régulièrement au stade des Costières ?

Non, car monsieur Assaf n’a pas de reconnaissance pour ceux qui ont fait l’histoire du Nîmes Olympique comme les Kabile, Adams, Vergnes, Sanlaville, Mezy et les autres. Tous les anciens pros peuvent rentrer dans le stade de leur club, sauf à Nîmes. À Montpellier, à Marseille ou ailleurs, les anciens ne sont pas aussi mal considérés. Que l’on refuse l’entrée gratuite à des gars comme Kabile ou Novi, ça fait mal au cœur.

Propos recueillis par Norman Jardin.

Daniel Sanlaville. Né le 1er septembre 1947 à Pont-de-Vaux (Ain). Poste : défenseur. Clubs : FC Grenoble (1965-70), Nîmes Olympique (1970-71), AS Saint-Etienne (1971-73), Nîmes Olympique (1973-78), FC Rouen (1978-79) et Toulouse FC (1979-80).

Le 12 mai 2016, cela fera 40 ans que St-Etienne participait à la finale de la Coupe d'Europe des clubs champions.... Chaque semaine, l'Equipe parle de cet événement... Aujourd'hui la rivalité Nîmes - St Etienne


A Saint-Etienne, la semaine a bien débuté. Mercredi 1er octobre, conformément aux souhaits du président Roger Rocher, son club a franchi le premier tour de la Coupe des Clubs Champions en s’imposant devant le BK Copenhague (3-1). Deux jours plus tard, le tirage au sort lui a désigné comme adversaires les Glasgow Rangers. Mais avant de préparer la double confrontation contre les Ecossais, Herbin et ses joueurs vont devoir se concentrer sur le déplacement à Nîmes et oublier le mot « Rangers  » durant quelques jours s’ils ne veulent pas connaître la même mésaventure que la saison passée. En effet, quand le tirage au sort leur avait désigné le Bayern Munich en demi-finale de la Coupe des Clubs Champions, ils n’avaient apporté qu’une faible considération à leur déplacement à Metz. Le 22 mars 1975, Larqué et ses coéquipiers avaient été balayés 3 à 0. « A Nîmes, je compte bien sur un jeu sérieux et un sens plus développé du démarquage, dit Herbin. Je pense que nos joueurs vont retrouver leurs meilleurs automatismes et une plus grande concentration. »


Vendredi 3 octobre. Herbin a programmé un entraînement allégé à ses joueurs. La répétition des matches oblige l’entraîneur stéphanois à doser ses séances afin de ménager les organismes. L’après-midi, il a convié les douze hommes retenus pour le déplacement à Nîmes à revoir quelques séquences du match nul concédé contre Nice (1-1).

Contre Nice, Saint-Eienne n’a pas perdu (1-1) mais Herbin souhaite revenir avec ses joueurs sur le déroulement de cette rencontre.

Dans le Gard, Robert Herbin avait l’intention de reconduire l’équipe qui s’est qualifiée contre Copenhague. Le genou de Jean-Michel Larqué l’oblige à modifier une nouvelle fois ses plans. Toujours en délicatesse avec son genou récalcitrant, le capitaine stéphanois a préféré renoncer à cette rencontre et prendre congé de son équipe pendant une quinzaine de jours. Cette décision courageuse et plutôt sage le prive également de la rencontre internationale qui doit opposer la France à la RDA à Leipzig. Il veut profiter de cette trêve pour se soigner et revenir en pleine forme pour la réception de Nantes le 17 octobre. Ce forfait profite à Christian Synaeghel qui retrouve logiquement une place dans le onze stéphanois. Sa bonne prestation en Division 3 contre Orléans (2-0) a convaincu Herbin de le rappeler.


 

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Le Match


Les rencontres entre Nîmes et Saint-Etienne sont toujours disputées, voire âpres. Ce 4 octobre, au stade Jean-Bouin, il ne devrait pas en être autrement. La situation alarmante des « Crocodiles » ne leur laisse guère de latitude. Pour eux, une défaite pourrait prendre une dimension dramatique. Après le match nul obtenu à Lens (1-1), ils restent sur deux échecs consécutifs : le premier à domicile contre Reims (0-3), le deuxième à Metz (4-3). L’état d’urgence dans lequel se trouve son club a contraint Kader Firoud, l’entraîneur gardois -et ancien joueur de Saint-Etienne d’après-guerre-, à repousser son intervention chirurgicale qui l’aurait privé de banc contre les Verts.


Nîmes est orphelin de Mézy


Depuis le départ à Lille de Michel Mézy, l’enfant chéri du Gard, Nîmes Olympique est orphelin de son patron au milieu de terrain. « Je comprends fort bien le choix de mon joueur, déclare Paul Calabro, le président nîmois. Nîmes-Olympique était prêt à faire un effort pour garder cet international, mais il lui était impossible de s’aligner sur les offres faites par d’autres clubs. »

A l’intersaison, Nîmes a également vu une autre de ses pièces maîtresses voguer vers d’autres cieux. Son capitaine Henri Augé a fait le court trajet de Nîmes à Montpellier. Faute de moyens, Kader Firoud a puisé dans son centre de formation pour remplacer ces deux joueurs. Il n’a d’autre choix que de s’accommoder de la situation : « Par la force des choses, nous allons jouer sur la carte jeunesse. Cela ne me déplaît pas du tout. On va continuer de tenter d’imposer notre style avec les moyens du bord. Michel Mézy était un créateur de jeu, nous n’en avons plus au club. »

Dans ces conditions, il paraît bien difficile à l’entraîneur nîmois de renouveler l’excellent parcours de la saison passée. 4e du dernier Championnat, les Nîmois ont échoué au pied du podium. Devancés par Lyon pour un point, ils ont laissé échapper une qualification pour la Coupe UEFA qui leur tendait les bras.


Luizinho absent, Félix partant


Contre Saint-Etienne, le Brésilien Luizinho, meilleur buteur du club gardois avec 2 buts, est hors de combat. En délicatesse avec ses adducteurs, il est parti à Paris pour consulter un spécialiste. Le poste d’ailier droit sera occupé par Denis Mathieu, à l’origine des trois buts nîmois en Lorraine. Au centre de l’attaque, Firoud ne pourra plus compter sur François Félix. Ce dernier a racheté son contrat et devrait s’engager rapidement avec le club de Bastia. Pour le remplacer, l’entraîneur gardois a décidé de faire confiance à Gilbert Marguerite. Arrivé en début de saison, ce jeune Martiniquais de 21 ans au gabarit imposant a déjà séduit avec l’équipe de Division 3.

Le jeune Martiniquais Gilbert Marguerite est promu au poste d’avant-centre du Nîmes Olympique.


Daniel Sanlaville


Fin décembre 1972, avant de quitter Saint-Etienne pour Nîmes, Daniel Sanlaville avait lancé à ses amis Larqué et Bereta : « Le 7 janvier, lorsque vous viendrez jouer à Nîmes, ce sera peut-être moi qui serai chargé de vous surveiller et je vous promets que vous ne brillerez pas. » Il n’en a pas moins offert le Champagne à tous ses camarades. Les finances de Nîmes Olympique n’ayant pas permis le transfert du Stéphanois, le club du président Rocher avait consenti à un prêt jusqu’à la fin de la saison.


Formé au FC Grenoble par Albert Batteux, c’est ce dernier, alors entraîneur des Verts, qui l’avait fait signer à l’ASSE en 1971. Considéré comme un grand espoir, doté d’une grosse frappe de balle, il prend souvent place sur le banc. Son départ de Saint-Etienne semble inéluctable. Robert Herbin ne s’y oppose pas. Mais avant de quitter l’ASSE, à ceux qui s’étonnent de voir partir ce joueur pétri de qualités, Herbin déclare : « Il mérite mieux que de n’avoir à jouer qu’un rôle de remplaçant auquel il risque d’être voué chez nous toute la saison. Où le placer, en effet, dans notre formation ? Avec Piazza, Merchadier et Lopez, nous sommes pourvus en arrières centraux.

Je ne peux pas me priver de Bereta et Larqué au milieu de terrain. Pour ces postes, je dispose encore d’Aimé Jacquet ainsi que du jeune Synaeghel. Je crois qu’il faut nous résoudre, dans son propre intérêt, à nous séparer de Sanlaville. D’ailleurs, ce sera toujours ma politique, car j’estime que l’on n’a pas le droit de contrarier la carrière des joueurs en le laissant la plupart du temps sur la touche. »


Daniel Sanlaville, avec son jeu sobre et rigoureux est un footballeur apprécié de Kader Firoud. Trop méconnu, il reste un joueur indispensable aux yeux de son entraîneur.

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Le compte-rendu du quotidien L’Equipe


 

« Il y a des défaites qui appellent des victoires »

Au stade Jean-Bouin, les Stéphanois, décidément en petite forme, se sont inclinés 2 à 0. Avec trois points pris sur les douze possibles, ils avancent à un rythme de relégable. 6e avec 11 points, Herbin et son équipe en comptent désormais 8 de retard sur le leader niçois. « Le Championnat est long », tentent de se rassurer les Stéphanois. Robert Herbin, s’il ne peut se satisfaire d’une défaite, y a vu des signes encourageants : « Il y a des défaites qui appellent des victoires. Celle-ci en est une. » Une fois encore, l’absence de Jean-Michel Larqué s’est cruellement fait sentir. Sans son capitaine, l’équipe vacille et perd de son assurance.

Les Verts se sont inclinés à Nîmes (2-0). Malgré la défaite, Robert Herbin y a vu des signes encourageants.

Hervé Revelli blessé

A Nîmes, l’attaque stéphanoise est restée muette. La blessure d’Hervé Revelli, touché dans un choc avec René Girard, laisse planer une nouvelle incertitude. Sorti à la 27e minute, il souffre d’une entorse de la cheville. Sa participation pour la réception de Nantes reste en suspens. Pour lui, le déclic passera par la Coupe d’Europe :

« Si nous nous qualifions, nous serons libérés et réaliserons un bon Championnat, c’est certain. »


Kader Firoud soulagé


Dans le vestiaire nîmois, Kader Firoud est aux anges après la victoire de ses joueurs : « Je savais qu’ils se réhabiliteraient, dit-il soulagé. J’espère que le public a pardonné à nos jeunes-, car s’ils commettent parfois des erreurs, ils se battent toujours avec la plus grande volonté. La preuve… » Il va pouvoir rentrer en clinique l’esprit tranquille :

« Je ne suis pas mécontent d’avoir fait retarder mon opération de quelques jours car des matches comme celui-là remontent le moral de n’importe quel homme… »

Daniel Charles-Alfred, ancienne gloire nîmois de 1958 à 1968, est heureux pour son protégé Marguerite. « Je suis content pour mon jeune compatriote que j’ai été chercher en Martinique il y a quelques mois et qui était encore un joueur de Division d’Honneur à Vauclin dans le sud de l’île, la saison écoulée.  » Kader Firoud ne dit autre chose : « Vous verrez que notre jeune Martiniquais Gilbert Marguerite fera son chemin. La façon dont il a secoué la défense stéphanoise est tout à son honneur. »

Comme l’an passé, les Stéphanois se sont inclinés après avoir pris connaissance de leur adversaire européen. En attendant d’affronter les Glasgow Rangers, il y aura un match à disputer contre Nantes. Ce sera l’occasion pour le public du stade Geoffroy-Guichard de découvrir Yves Triantafilos sous le maillot nantais…

Thierry CLEMENCEAU

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 La fiche technique

Spectateurs : 10 009. Recette : 216 707 F. Arbitre: M. Konrath. But.- : Girard (56e), Dellamore (82e).

Nîmes : Landi – Boissier, Mith, Sanlaville, Kabile – Schilcher (Moretti, 78e), Girard, Boyron – Mathieu, Marguerite, Dellamore. Entr. : Firoud.

Saint-Etienne : Curkovic – Janvion, Piazza, Lopez, Farison – Bathenay, Santini, Synaeghel – Rocheteau, H. Revelli (Repellini, 27e), P. Revelli. Entr.: Herbin.

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Stanislas Golinski
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Stanilas Golinski quand il avait 80 ans, toujours fidèle à Nîmes
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