LA DERNIERE « GRANDE » SOIREE A JEAN BOUIN

Le 15 juin 1983 les supporters nimois ont la gueule de bois. Il faut dire que la nuit a été chaude sur le boulevard Victor Hugo et les klaxons ont longtemps resonné du côté des arènes.

La veille, dans un stade Jean Bouin rempli jusqu’aux pylônes électriques, les Nimois de Barlaguet ont décroché leur ticket pour la première division, deux ans après l’avoir quittée.

Qui à Nimes et dans les environs ne se souvient pas de cette douce soirée d’été où Nimes a battu Tours 3 – 1 ?

L’inter saison 82-83 a été animée à l’ombre de la Tour Magne et de la Rue Poise. Calabro dans le Midi Libre du 5 juin annonce : « Je pars ». La rumeur couvait depuis quelques jours et la possible arrivée de Jean Cacharel à la tête du club n’était qu’un secret de polichinelle. Le 2 juillet, celui qui vise la mairie est officiellement intronisé comme Président du Nimes Olympique.

Jean Bousquet dit « Cacharel » déclare à Midi Libre : « Ce n’est pas parce que le club a enregistré de mauvais résultats pendant deux saisons qu’il faut tout craindre. Il est loin d’être en mauvais état. Il possède un potentiel de jeunes très intéressant, une image de marque fantastique et il est bien structuré. J’ai confiance car Nimes est une ville de football et son public est assez formidable… »

Dix huit jours plus tard, le 20 juillet, Nimes enregistre l’arrivée d’un Danois en provenance d’un club Hollandais. Son nom ? Kristen Nygaard. Il est accompagné dans le recrutement par le milieu de terrain brestois Lionel Justier, alors que Smolek, un Yougoslave qui arrive de Zagreb, est mis à l’essai.

Les nimois débutent à Jean Bouin par un match amical contre Martigues le 23 juillet (après avoir joué contre une sélection de Lozère, Toulouse et Cannes). Smolek en met deux et Cubaynes un, alors que le but martégal est inscrit par une vieille connaissance nimoise en la personne de Guy Dussaud. Ce soir là tous les spectateurs n’ont d’yeux que pour ce milieu de terrain à la longue mèche blonde : Nygaard.

Gilles Morisseau se souvient : "Nous étions en pleine préparation de la saison et nous jouons ce match contre Martigues. Nous étions tous là à nous demander qui était ce Nygaard. Il n'a pas fallu longtemps pour savoir qui il était. Je me souviens très bien, il fait un premier contrôle et lance Goudard. On entend un "Héhéhéhé" dans Jean Bouin, puis deuxième action, une transversale du pied gauche vers Smolek et là Jean Bouin s’écrie "Ooooo !". A la troisième action le stade scandait "Kristen Kristen Kristen" ! »

La semaine suivante, la saison officielle démarre par la réception de Montpellier. Ce sont plus de 7800 spectateurs qui garnissent le vieux Jean Bouin. Les nimois gagnent par 2 – 0 (Cubaynes- Castagnino) les voisins héraultais.

La journée suivante Nimes se déplace à Limoges et une fusée belge fait ses débuts. Il s’agit de Roger Van Gool qui arrive de Cologne en Bundesliga. Il n’est plus très jeune mais son expérience du haut niveau n’est pas négligeable. Eric Castagnino raconte « « il était un joueur d’une expérience internationale, il avait tout ! J’entends par là la rapidité, la technique : avec Kristen ils volaient bien plus hauts que nous. Ils formaient un sacré duo et nous tiraient vers le haut ».

Durant la saison les nimois perdent peu, mais arrivent à être accroché par des équipes dites plus faibles. "Nous nous maintenions dans les 7 premières places. Il y avait une telle ambiance dans le vestiaire que nous faisions tous les efforts. Nous avions battu Rennes qui était le leader, mais aussi Valenciennes et le Racing, des prétendants directs aux barrages, et plus le championnat avançait, plus nous montions en puissance" se souvient Remy Fontanelli.

Après une dernière journée où les crocos tombent à Montpellier (3-1), ce sont les barrages qui se dessinent devant eux. Rennes (groupe A) et Toulon (Groupe B)montent directement alors que Nimes doit passer par un pré barrage contre Reims.

Le premier match se déroule à Jean Bouin le 29 mai.

10.000 spectateurs remplissent Jean Bouin et il ne leur faut pas attendre longtemps pour voir leur équipe mener. Alors que le match a débuté depuis 10 secondes, Perez déborde sur son aile, Castagnino dévie de la tête et Herrero en embuscade envoie le ballon au fond des filets d’une superbe reprise de volée. Jean Bouin exulte ! 12 minutes plus tard, alors que les nimois dominent de la tête et des épaules, Pérez se fait bousculer dans la surface. Il se fait justice lui-même sur le pénalty. 2-0, Jean Bouin passe au rouge vif. La seconde mi-temps est elle aussi dominée par les crocos qui sur un contre encaissent un but. Nimes ne doute pas et repart à l’attaque pour mettre le coup de grâce à deux minutes de la fin par l’intermédiaire de Goudard. Résultat : 3 – 1.

Le 4 juin, les nimois se déplace en Champagne. Fort de leur succès à l’aller, les nimois doivent résister face à des rémois galvanisés par la présence de plus de 16.000 spectateurs. « Nous étions archi dominés par Reims et nous avons tenu malgré le but encaissé dans les dernière minutes » se souvient Christian Pérez.

Alain Lopez raconte : « J’avais intégré l’armée entre les deux matchs. Le samedi, j’avais le crâne bien garni et le vendredi suivant, lors du match retour, la boule à zéro. Lorsque je suis rentré sur le terrain, j’étais au marquage de Kiefer et il me dit : « Mais tu n’as pas joué le match aller ? ». Il ne m’avait pas reconnu. Ca ne l’a pas empêché de marquer l’unique but de la rencontre ». 1 – 0, score final, et Nimes est en route pour l’accession en D1.

Le 10 juin, les nimois se déplacent à Tours. Les tourangeaux comptent dans leurs rangs des joueurs comme Desrousseaux, Furlan, Da Fonseca, Onnis, Lacombe… Crispés par l’enjeu, les crocos font un non-match à l’aller mais la défense résiste aux coups de boutoir des tourangeaux qui, trop souvent, se désunissent dans le dernier geste. Eric Castagnino raconte « Les tourangeaux jouaient durs et nous nous n’arrivions pas sortir le ballon. Gilles Morisseau sort un pénalty à la 80ème et les « vedettes » de Tours se désunissent. Sur un tacle, Coiffier me blesse, je mettrai plus de six mois pour me remettre ».

Gilles Morisseau sera le grand artisan de ce match avec plusieurs arrêts décisifs. Le Midi Libre, dans son compte rendu, relate : « Face à une défense qui ne plie pas et un Morisseau des grands soirs, les tourangeaux perdaient leur sang-froid dans plusieurs domaines ; ils se critiquaient les uns les autres, sur le terrain et quelques-uns agressaient littéralement les Nimois crampons en avant. Lionel Justier et surtout Eric Castagnino furent les victimes de l’agressivité non contrôlée de Coiffier qui aurait mérité un carton rouge ».

Si Devillechabrolle avait ouvert le score pour Tours, Roger Van Gool à un quart d’heure de la fin avait entre ouvert les portes du paradis pour une équipe nimoise qui avait su se montrer solidaire et solide défensivement.

Le 14 juin, c’est un grand soir à Jean Bouin. Plus un billet à la vente et ce vieux stade vit sans doute là la dernière grande soirée de son existence.

Une ambiance colorée, survoltée, passionnée, tumultueuse pour un match qui reste pour une génération complète comme « Le » grand souvenir de Jean Bouin.

Il ne faut pas arriver en retard au stade car dès la première minute Cubaynes, qui a pris la poudre d’escampette, pousse son vis-à-vis à la faute et s’écroule dans la surface de réparation. Résultat : pénalty que Nygaard transforme. Le stade passe au rouge vif ! Vingt minutes plus tard, Herrero centre, puis c’est reprise de volée merveilleuse de Pérez sur le dessous de la barre transversale et Van Gool qui a suivi met le ballon au fond des filets de Desrousseaux. Nimes a fait la différence et la messe est presque dite. En seconde mi-temps les nimois, portés par leur public, laissent l’initiative à Tours pour mieux les prendre en contre. Comme paralysés par l’enjeu, les crocos déjouent peu à peu mais peuvent compter sur Morisseaux ou Deledicq pour remettre de l’ordre en défense. Alors qu’il reste 15 minutes à jouer, sur un centre anodin de Ferrigno, Da Fonseca pousse de la tête le ballon dans les filets. Jean Bouin retient son souffle et craint un possible retour de l’équipe visiteuse. La rencontre est relancée. A quatre minutes de la fin une contre- attaque est magnifiquement orchestrée par Van Gool qui, sur son aile, s’échappe et transmet le ballon à Goudard qui dribble tranquillement Desrousseaux pour le 3ème but. Jean Bouin chavire de bonheur et Nimes est en première division.

Il ne reste plus qu’à Cubaynes et Lopez d’hisser Pierre Barlaguet sur leurs épaules pour le sortir en triomphe et aux supporters exemplaires de faire resonner les klaxons dans la ville. Que le fête fut belle le soir du 14 juin !

Archives photos Michel Piq - Jean-Charles Roux - "Rue Jean Bouin"

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Stanislas Golinski
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Stanilas Golinski quand il avait 80 ans, toujours fidèle à Nîmes
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