UN MATCH AMICAL QUI SE TERMINE « A LA MAILLOCHE »

En ce printemps 1964, Jean Bouin prend des airs de samba.

Le 26 mai Nîmes reçoit en match amical le FC Sao Paulo. Ce match est un évènement puisque le club brésilien compte dans ses rangs pas moins de six internationaux ayant participé aux coupes du monde de Suède (58) et du Chili (62).

Hideraldo Bellini, aligné ce soir-là, est le capitaine de la sélection brésilienne victorieuse de la finale de la coupe du monde contre la Suède avec les Didi, Garrincha, Vavà, Pelé et autres Zagallo. De Sordi, Jurandyr, Valdyr, Bene et Marcos Antonio eux aussi sont cochés sur la feuille de match et sont régulièrement sélectionnés dans la « Seleção ».

Les brésiliens, dans une tournée européenne qui les mène à Prague, Dortmund puis contre une sélection du Nord de la France à Lens, écrasent tous leurs adversaires.

Nîmes, pour se renforcer, fait appel aux Toulousains Edimo et Monin et, au Monégasque et ex-nîmois, Akesbi. L’équipe brésilienne dont le camp de base est au Grau du Roi, vient s’entrainer au stade Municipal pour une répétition générale le 25 mai matinée.

Ce match de prestige se solde par une victoire nette des brésiliens qui mettent sans trop forcer 3 buts dans les filets nîmois.

L’équipe de Nîmes est composée de Landi (puis Bouchet), Zouba, Charles Alfred, Baconnier, Barlaguet, Poirier, Monin, Edimo, Akesbi, Novi, Fournier, Chillan, Dejbali, Parodi, Marcellin et Sékou.

Pour l’anecdote, le car qui mène les joueurs brésiliens de Nîmes au Grau du Roi après l’entrainement au stade Municipal la veille du match connait une avarie. Prenant un « nid de poule », un coffre s’ouvre et un sac tombe de la soute sur la route. Le chauffeur ne s’en rend pas compte et suit sa route. Arrivé au Grau, il s’aperçoit que le coffre est ouvert et qu’un sac manque à l’appel. Midi Libre dans son édition du 26 mai, lance un appel au peuple. « Du car qui amenait le onze du Sao Paulo s’entrainer au stade Municipal de Nîmes est tombé un sac de 20 à 25 kilos qui contenait les coupes, trophées et autres souvenirs que l’équipe brésilienne a reçu au cours de sa tournée en Europe. La personne qui trouverait l’objet en question sur la route nationale 113, entre Nîmes et le Grau du Roi, rendrait un grand service à nos hôtes en le rapportant au siège du Nîmes Olympique ». Inutile de préciser que le sac n’a jamais été retrouvé.

Le 8 juin, Nîmes reçoit Lyon pour le compte de la dernière journée de championnat. Pour se sauver des matchs de barrage, les nîmois doivent gagner avec le plus large des scores. Autant dire que le maintien n’est pas du tout assuré. Les crocos se mettent au vert pendant trois jours à Malerargues près de Lasalle en Cévennes. « Le match de la saison » comme le titre Midi Libre, débute de la meilleure des manières grâce à une entame tonitruante et un Chillan des grands soirs, les nîmois mettent sous l’éteignoir les Lyonnais qui se voient menés 3 – 0 à la mi-temps. Ce n’est pas suffisant car Rouen et surtout le Stade Français, qui jouent eux aussi leur survie, ne sont qu’à un but de goal-average du maintien. Les nîmois en deuxième mi-temps poussent et inscrivent deux buts supplémentaires par l’intermédiaire de Novi et Dejbali. Nîmes respire ! Sauf que le stade Français inscrit un nouveau but et que les nîmois doivent conserver le score. Alors que se joue la dernière minute de jeu, une main de Charles Alfred provoque un pénalty. Jean Bouin retient son souffle ! Combin s’élance, tire, et Landi au prix d’une superbe parade, détourne le ballon. Nîmes reste en 1ère division !

Le 16 juin, coup de théâtre du côté de l’Industrie. Kader Firoud annonce qu’il quitte Nîmes. Rien ne laissait présager un départ si soudain. Certes la saison a été éprouvante, mais Nîmes est une fois de plus sauvée sur le fil. Firoud déclare même au Midi Libre qu’il ne prend pas de vacances puisqu’il doit se rendre à Paris pour assurer l’encadrement d’un stage d’entraineurs à l’I.N.S jusqu’au 14 juillet. Une page de seize ans se tourne dans l’histoire du club. Le communiqué du club annonce « A la suite d’un très long et cordial entretien entre le président du Nîmes Olympique, Mr Chiariny et l’entraineur Kader Firoud, un accord n’a pu se réaliser sur tous les points et après un examen approfondi de la situation, les deux parties ont décidé de ne pas renouveler le contrat qui les liait jusqu’au 30 juin ».

Dans le Midi Libre, Kader Firoud donne les raisons de son départ. « Depuis plus d’un mois j’avais reçu des offres de clubs français et étrangers, mais compte tenu de notre situation en championnat j’ai gardé ça pour moi. Aujourd’hui l’équipe est sauvée et je dois vous avouer qu’après une saison aussi éprouvante, j’ai besoin de me « réaliser » comme entraineur dans un club qui possède plus de moyens que Nîmes. Un homme se doit de progresser, or je n’ai plus rien à prouver à Nîmes où chaque année il faut « créer » un nouveau miracle pour se maintenir. Le football professionnel est une chose sérieuse. La gestion d’un club ne peut être affaire de palliatifs artisanaux. C’est pourquoi j’ai choisi un grand club avec des moyens importants. Je ne me fais aucun souci pour Nîmes. Je connais les hommes qui animent le club et dont Rouvière est le capitaine. Nîmes Olympique doit miser sur ses équipes amateurs et jeunes. Nous payons cette année encore la suppression de la section amateurs. Nîmes ne pourra s’en sortir qu’en trouvant des joueurs locaux ou régionaux, des talents du cru, qu’aucun transfert ne pourra payer ». Plus tard, le 20 juin, Kader Firoud officialise qu’il entrainera Toulouse.

Il reste à Kader Firoud de dire aurevoir à Jean Bouin. Ce sera chose faite le 17 juin. Ce soir-là, les crocos reçoivent en amical, l’équipe brésilienne de l’America de Rio, qui compte dans ses rangs quatre internationaux dont Zezinho. Du coté Nîmois Landi, Zouba, Baconnier, Barlaguet, Charles Alfred, Novi, Chillan, Garnier, Parodi, Djeballi et Gomez (qui a débuté en pro contre Angers le 31 mai), composent l’équipe. Les spectateurs ne se sont pas mobilisés pour ce que Midi Libre nomme « Le match d’Adieu à Kader ». Les présents par contre, doivent toujours s’en souvenir !

Si les Nîmois plus entreprenants que les Sud-Américains mènent 1-0 à la pause (but de Chillan), la deuxième mi-temps va vite tourner au pugilat. Déjà lors de la première mi-temps, les joueurs de Rio se montrent à plusieurs reprises agressifs avec des gestes d’anti jeu à répétition. A la 78ème minute de jeu, Abel l’excellent ailier gauche de Rio, centre ; une mêlée confuse se déroule devant le but de Landi et les brésiliens égalisent. L’arbitre valide dans un premier temps le but, mais les joueurs nîmois se précipitent vers lui pour lui indiquer que le but a été marqué de la main, ce que le juge de touche avait signalé. L’arbitre central (Mr Rios) sanctionne la faute et accorde un coup franc au nîmois. C’est alors que quatre brésiliens foncent vers l’arbitre de touche (Mr Chanadet) et lui assènent des coups de poing. Les nîmois Fournier et surtout Landi viennent s’interposer pour protéger l’arbitre. C’est alors que les remplaçants et les accompagnateurs de l’équipe Brésilienne pénètrent sur le terrain et la bagarre devient alors générale. Les brésiliens, plus nombreux et plus athlétiques, mettent en difficultés les joueurs et le staff nîmois. Les spectateurs, à la rescousse, enfoncent le portail côté Rue Jean Bouin et, viennent se mêler à la bagarre qui prend alors des allures d’émeutes en dépit de l’intervention d’un service d’ordre bien insuffisant.

Le président Chiariny monte à la cabine de sonorisation pour calmer les esprits et annoncer que le match ne reprend pas, et n’oublie pas de présenter ses excuses aux spectateurs. Des images restent encore gravées dans la mémoire collective : Parodi qui arrache les piquets de corner pour taper sur les adversaires ; Firoud qui se mêle à la bagarre et en distribue quelques-uns ; Pierrot Brunetti qui part vers son maset pour mettre ses enfants à l’abri… Jacques, le fils du gardien du stade, plus de 55 ans après s’en souvient « Mon père nous attrapa avec mon frère Janick et nous enferma dans la maison avec la consigne de ne pas en sortir avant son retour. C’était une déferlante de violence ». Michel Mézy, adolescent à l’époque et présent en tribune, se souvient lui aussi de ce « pugilat ». André Kabile qui disputait là son premier match sous les couleurs du Nîmes Olympique (Comme Antoine Valls) parle « d’une équipe de fous ».

Suite aux rapports des arbitres et des dirigeants nîmois auprès des instances nationales du football, l’équipe de Rio, qui avait déjà connu quelques frasques lors de matchs précédents, fit ses valises et retourna dans son pays ! Elle fut par la suite radiée de toutes compétitions en Europe.

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Stanislas Golinski
Stanislas Golinski
Stanilas Golinski quand il avait 80 ans, toujours fidèle à Nîmes
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