DES CROCOS VACCINES

Eté 1971 : une pandémie de Choléra sévit en Europe. Début Juillet : sept cas de cholera sont détectés en Espagne et les chassés-croisés à l’occasion des vacances font craindre le pire aux autorités françaises. La rumeur veut que plusieurs centaines de morts ont été dénombrés et que l’épidémie est terrible. Les vacanciers des différentes côtes ibériques plient bagages et rentrent chez eux. A Paris on relativise les choses et on annonce que l’institut Pasteur détient plus de 300.000 doses de vaccin. A Nimes, les services de l’Action sanitaire et sociale de la Rue du Mail sont sur le pied de guerre et la queue pour se faire vacciner est conséquente.

Le Nîmes Olympique reprend le chemin de l’entrainement le 20 juillet. 22 joueurs sont au rendez vous dont trois nouveaux Mith (Martinique), Fontaine (Aigues Mortes) et « l’enfant prodigue » Simon Iniesta (de retour de Montélimar). Seuls les roumains qui n’ont pas donné de nouvelles et Moretti appelé sous les drapeaux sont absents. Paul Calabro semble agacé par les rumeurs de départ de Mézy pour Marseille. Il déclare dans Midi Libre : « J’ai appris dans la presse que notre voisin et rival désirait s’attacher des services de notre meneur de jeu. J’ai eu certes, il y a plus de quatre mois, un contact avec le président Leclerc de Marseille qui m’avait dit être intéressé par l’acquisition de notre joueur, mais les pourparlers se sont arrêtés sans qu’une décision ait été prise et depuis plus rien… ». Cette situation embarrassante pour le club et la stabilité de l’effectif ne perturbe cependant pas la préparation des joueurs.

Le 29 juillet les crocos accueillent à Jean Bouin, pour un match de préparation contre le Dukla de Prague (2-2) puis se déplace dans la foulée à Toulon (défaite 3-2). Ce soir là, sur une action toulonnaise menée par Dalger, Landi met son pied dans un creux de gazon et se fracture le péroné. Evacué sur civière à la 27ème minute, il est remplacé par Jean Charles Canetti qui fait office de gardien de fortune. Luigi est superstitieux. Il n’hésite pas à se rendre à la petite chapelle Sainte Thérèse de son quartier de la Planette avant chaque rencontre. Ce jour-là il porte un maillot de couleur verte. Il avait déjà noté lors de différentes rencontres que cette couleur ne lui portait pas chance. Après cette blessure qui l’écarte des terrains pendant presque deux mois et lui fait perdre le privilège de jouer les matchs de coupe d’Europe contre Sétubal, il remise à jamais ses maillots verts pour des jaunes, bleus ciel, blancs ou violets.

Le mercredi 11 aout, Nimes débute le championnat par un déplacement périlleux à Saint Etienne. Saint Etienne qui a vu, à l’intersaison partir ses joueurs « cadres », fait les frais de l’éclatante forme physique des nimois (1-3 buts de Bonnet et doublé de Vergnes). Une semaine plus tard, c’est à Jean Bouin et devant plus de 10.000 spectateurs que les nimois débutent. Leur hôte est Bastia. Malgré les prouesses de leur gardien Pantelic, les corses encaissent six buts (Vergnes 3, Bonnet, Adams, Pircalab). Le « tout pour l’attaque » (malgré 2 buts encaissés) est en marche. Firoud déclare : « Qu’ajouter de plus à la démonstration que mes joueurs viennent d’effectuer ? Six buts au tableau de marque qui aurait pu en totaliser trois ou quatre de plus sans les parades du gardien. Du jeu rapide, net, précis, des buts classiques mais magnifiques autant dans la conception que dans la réalisation. Je n’ai que des félicitations à adresser à tous. C’est bien. Le travail commence à porter ses fruits ».

Le week end du 20 aout le championnat fait relâche pour laisser place au Challenge des champions (OM-Rennes). Afin d’intensifier la préparation du match contre Sétubal en coupe d’Europe programmé le 14 septembre et se mesurer à un « grand » d’Europe, les dirigeants nimois ont conclu un match amical avec leur homologue de l’Olympiakos Athènes. Les crocos partent en avion le 20 aout depuis Garons et atterrissent à Athénes en fin d’après midi. Une épidémie de variole sévit au pied de l’Acropole. Les joueurs et le staff doivent se soumettre à une vaccination prodiguée par le docteur Gillot avant leur départ.

Lors de la rencontre, les nimois marquent les premiers par l’intermédiaire de Voinea et se font rattraper puis même dépasser par les grecs (2-1). Sur une attaque, un grec met une vilaine semelle à Betton et lui ouvre la cheville. Le solide défenseur est contraint de se faire poser des points de suture et déclare forfait pour le match suivant contre Angoulême.

Sur la dynamique de leur début de championnat, les crocos attirent la grande foule à Jean Bouin le 25 aout au soir pour la réception d’Angoulême. Les filets tremblent et les crocos mènent 3-0 à la 45ème minute (Bonnet, Voinea, Pircalab). Un score net et sans bavure à la mi-temps puis un passage à vide complet en seconde partie. Les joueurs moins entreprenants paient sans doute le voyage express en Grèce mais pas seulement…

Dans sa rubrique « Football Gazette » du Midi Libre, Raymond Legrand souligne au lendemain du match l’étrange fatigue des joueurs en deuxième mi temps : « Certains olympiens semblent être « travaillés » par le vaccin qu’ils durent subir pour se rendre à Athènes et le docteur Gillot, lui-même, eut l’occasion de constater un état fébrile, sans gravité certes, mais de nature à influencer sur le comportement physique des joueurs. »

Nous ne connaissons pas 50 ans après le nom du vaccin, mais qu’importe le flacon, les nimois connaissaient l’ivresse de la victoire et allaient se propulser sur les sommets du championnat lors de cette saison.

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Stanislas Golinski
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Stanilas Golinski quand il avait 80 ans, toujours fidèle à Nîmes
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